LETTONIE - RUSSIE, Traités et documents de base

Assemblée Consultative du Conseil de l'Europe
Résolution 189 (1960)
relative à la situation dans les Etats baltes, à l'occasion du vingtième anniversaire de leur incorporation forcée dans l'Union Soviétique.


Assemblée Consultative du Conseil de l'Europe

Douzième Session Ordinaire

Résolution 189 (1960) relative à la situation dans les Etats baltes, à l'occasion du vingtième anniversaire de leur incorporation forcée dans l'Union Soviétique.

1. L'Assemblée,

2. A l'occasion du vingtième anniversaire de l'occupation militaire des trois Etats européens d'Estonie, de Lettonie et de Lithuanie, et de leur incorporation forcée dans l'Union Soviétique,

3. Constate que cette annexion illégale a été accomplie sans que les peuples aient pu exprimer librement leur volonté;

4. Exprime sa sympathie pour les peuples baltes dans leurs épreuves et tient à leur donna l'assurance qu'ils ne sont pas oubliés par les autres européens;

5. Est convaincue que l'oppression communiste ne parviendra pas à écraser leur courage et leur foi dans la liberté et la démocratie;

6. Constate que, dans leur grande majorité, les gouvernements des nations du monde libre reconnaissent toujours de jure l'existence indépendante des Etats baltes;

7. Prie instamment les gouvernements membres d'appuyer les efforts appropriés des réfugiés des Etats baltes pour maintenir leur culture nationale, leurs traditions et leurs langues, en prévision du jour où l'Estonie, la Lettonie et la Lithuanie pourront tenir leur rôle de nations libres dans nos institutions démocratiques internationales.

Discussion par l'Assemblée le 28 septembre 1960 et adopté le 29 septembre 1960.

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Assemblée Consultative du Conseil de l'Europe 23 août 1960 Doc. 1173

RAPPORT sur la situation dans les Etats baltes, à l'occasion du vingtième anniversaire de leur incorporation forcée dans l'Union Soviétique (Rapporteur Mme von LOWZOW)

I. Projet de résolution présente par la commission des Nations non représentées:

1. L'Assemblée,

2. A l'occasion du vingtième anniversaire de l'occupation militaire des trois Etats européens d'Estonie, de Lettonie et de Lithuanie, et de leur incorporation forcée dans l'Union Soviétique,

3. Constate que cette annexion illégale a été accomplie sans que les peuples aient pu exprimer librement leur volonté;

4. Exprime sa sympathie pour les peuples baltes dans leurs épreuves et tient à leur donna l'assurance qu'ils ne sont pas oubliés par les autres Européens;

5. Est convaincue que l'oppression communiste ne parviendra pas à écraser leur courage et leur foi dans la liberté et la démocratie;

6. Constate que, dans leur grande majorité, les gouvernements des nations du monde libre reconnaissent toujours de jure l'existence indépendante des Etats baltes;

7. Prie instamment les gouvernements membres d'appuyer les efforts appropriés des réfugiés des Etats baltes pour maintenir leur culture nationale, leurs traditions et leurs langues, en prévision du jour où l'Estonie, la Lettonie et la Lithuanie pourront tenir leur r“le de nations libres dans nos institutions démocratiques internationales.

1. (a) Projet de résolution adopté‚ par la commission par 8 voix contre O et 3 abstentions.

Membres de la Commission: MM. Kirk (Président); Goedhart, Cerulli Irelli (Vice-Présidents); Arthur-Conte, Drèze, Gibbons, Hynd, Josefsson, Linden, Mme von Lowzow, M.Lychnos, Mme Maxsein, MM. Montini, Regnéll, Mme Renger, MM. Selvik, Strasser, Mme Tlabar, M.Wach.

II. Expose des motifs

(Rapporteur Mme von LOWZOW)

La Commission Permanente, lors d'une réunion tenue le 24 juin 1960, a décidé d'inscrire la question de la situation des pays baltes, à l'occasion du vingtième anniversaire de leur occupation par l'Union Soviétique, à l'ordre du jour de la seconde partie de la douzième Session de l'Assemblée; elle a renvoyé la question à la commission des Nations non représentées.

Le projet de résolution ci-dessus a été étudié‚ par cette commission les 28 et 29 juillet 1960. Il a été adopté‚ par 8 voix contre zéro et 3 abstentions. A cette occasion la commission avait été saisie de divers documents sur les Etats baltes. Certaines des informations figurant dans ces documents sont reproduites ci-après.

L'Estonie

Dans un ouvrage (Problems of the Baltic) publié en 1940 par la Cambridge University Press, l'éminent historien W.F.Reddaway déclare que, si l'on prend pour bases les normes occidentales, la naissance de la Finlande, de la Pologne et des trois Etats baltes a été un bienfait presque absolu pour l'humanité”. Neuf ans plus tard, un autre auteur britannique déclarait, dans une étude spéciale, qu'avant la deuxième guerre mondiale, les trois Etats baltes pouvaient être considérés, à certains égards, comme les exemples les plus réussis d'économies essentiellement agricoles dans le monde moderne. Une série de réformes agraires avait permis de distribuer les terres cultivables entre la majeure partie de la population; un système coopératif bien développé jouait un rôle essentiel, tant dans la transformation de certains produits agricoles que dans leur distribution; l'accroissement continu de la production agricole et industrielle et la possession de bons ports de mer permettaient à ces Etats d'avoir des échanges internationaux beaucoup plus développes que ceux de toute autre entité comparable de ce qu'on appelle “l'Europe verte“.

En 1940 - il y a vingt ans - les trois Etats baltes furent occupés de force par l'Union Soviétique. Leur indépendance politique et leur liberté économique furent brutalement réduites à néant. Toutefois, les Soviets prétendent que c est seulement en 1940 que les Etats baltes, en devenant des républiques membres de l'Union Soviétique, ont réellement obtenu leur liberté et leur indépendance et ils célèbrent aujourd'hui le vingtième anniversaire de cette “libération”.

Examinons très brièvement cette assertion.

Après avoir proclamé son indépendance en février 1918, la République d'Estonie a été reconnue comme un Etat libre et souverain par toute la communauté des nations. Elle était un membre loyal de la Société des Nations et de diverses autres organisations internationales. Elle entretenait des relations commerciales avec presque tous les pays du monde et ses citoyens étaient libres de voyager où et quand ils le voulaient. Cependant, son indépendance ne devait pas être de longue durée. Le 23 août 1939, les dirigeants Soviétiques concluaient un “ pacte de non agression “ avec Hitler (le Pacte Molotov-Ribbentrop). Ce pacte était assorti d'un protocole secret aux termes duquel l'Estonie, la Lettonie, une partie et plus tard la totalité de la Lithuanie, la Finlande et d'autres régions de l'Europe orientale se trouvaient placées dans la “ sphère d'influence” Soviétique. Tandis que la deuxième guerre mondiale retenait toute l'attention du monde, l'Union Soviétique jugea opportun de recueillir son du. Pour donner à son agression un semblant de légalité, “ un pacte d'assistance mutuelle” fut imposé, le 25 septembre 1939, à l'Estonie, aux termes duquel l'Union Soviétique s'arrogeait le droit de maintenir des troupes en certains points du territoire estonien. La délégation estonienne chargée des négociations avec les dirigeants Soviétiques fut avertie qu'au cas où "elle tarderait à signer l'accord, l'armée Soviétique franchirait les frontières. Pour éviter l'occupation du pays, la délégation dut céder. La Finlande, ne l'ayant pas fait, fut attaquée par l'Union Soviétique en novembre 1939.

Avec les troupes Soviétiques stationnées en Estonie, les dirigeants Soviétiques étaient en mesure de poursuivre leurs desseins. Le 17 juin 1940, après avoir lancé la veille un ultimatum fondé sur des accusations forgées de toutes pièces, les unités de l'armée Soviétique commencèrent à envahir l'Estonie. Le 21 juin 1940, les Soviets organisaient une “ révolution” destinée à exprimer la “ colère du peuple” contre l'ancien Gouvernement. Des ouvriers des bases Soviétiques, une poignée de communistes estoniens et des détenus libérés des prisons, appuyés par des tanks et des blindés Soviétiques, manifestèrent dans les rues. Le même jour était mis en place un nouveau Gouvernement estonien composé de communistes et de sympathisants recevant leurs ordres directement de Zhdanov, commissaire Soviétique dépêché par Staline pour organiser la révolution estonienne et soviétiser le pays.

L'ancien régime et son système juridique furent détruits. Toutes les anciennes associations, comptant environ quatre mille membres, furent dissoutes. La police fut démantelée et ses membres, à l'exception de quelques agents subalternes, furent arrêtés ou déportés dans des camps de travail forcé. Les fonctionnaires de l'Estonie indépendante, à l'exception de certains subalternes, furent destitués et remplacés par des communistes ou des sympathisants ou par des personnes dénuées de connaissances et d'expérience. La plupart des fonctionnaires destitués disparurent derrière les barreaux de la N. K. V. D. La soviétisation s'effectua avec la même brutalité dans les domaines économique, culturel, éducatif et autres.

La mesure de soviétisation la plus importante fut l'élection d'un nouveau Parlement estonien, ordonnée par Zhdanov pour les 14 et 15 juillet 1940. Ce fut une dérision. La loi électorale fut honteusement violée. Un nouveau Comité suprême des élections, composé de communistes et de sympathisants, fut désigné pour permettre la falsification des résultats. Tous les candidats, à l'exception de ceux d'une “Ligue estonienne de travailleurs“, créée en hâte, furent exclus des listes électorales.

Le nouveau Parlement fantoche composé d'un seul parti fut convoqué, le 21 juillet 1940, pour une session de trois jours, afin d'adopter quatre déclarations fondamentales tendant à soviétiser le pays. La salle d'assemblée était remplie de troupes Soviétiques, de membres de la NKVD. et de soldats au garde-à-vous, tandis que les tanks Soviétiques circulaient autour du bâtiment. Le nouveau Parlement décida : (a) de proclamer l'Estonie République socialiste Soviétique; (b) de prier l'Union Soviétique d'accepter l'entrée de l'Estonie au sein de l'Union; (c) de nationaliser presque toutes les industries et tous les moyens de production; et (d) de proclamer la nationalisation de toutes les propriétés foncières.

Le 6 août 1940, au cours d'une réunion spectaculaire, le Soviet Suprême admettait l'Estonie au sein de l'Union comme 16e République socialiste Soviétique. Le 25 août 1940, le Parlement fantoche estonien adoptait une nouvelle Constitution Soviétique et s'intitulait désormais “ Soviet suprême de la République“. La soviétisation du pays se poursuivit à un rythme accéléré.

Entre-temps, le 22 juin 1941, l'Union Soviétique était attaquée par l'armée allemande et, au cours de l'été, l'Estonie était occupée par les Allemands. Un nombre considérable d'Estoniens, volontaires ou recrutés, furent enrôlés dans des unités spéciales, afin de combattre pour la liberté et l'indépendance de l'Estonie. L'armée allemande s'étant désintégrée, le pays fut réoccupé par les Soviets au cours de l'automne 1944. L'Union Soviétique était désormais en mesure de poursuivre la soviétisation. A cet égard, l'une des mesures les plus importantes fut la collectivisation de l'agriculture et la destruction de la libre exploitation.

Aussitôt après l'occupation de l'Estonie par les Soviets, la NKVD., arrivée sur les talons de l'armée, commença à arrêter un grand nombre de personnes, les arrestations se poursuivant durant toute l'occupation. Puis soudain, dans la nuit du 13 au 14 juin 1941, des milliers d'Estoniens, hommes et femmes, jeunes et vieux, furent tirés de leur lit, parqués dans des wagons à bestiaux et déportés en Union Soviétique dans des camps de travail forcé, les hommes étant séparés de leur famille et conduits dans des endroits différents, sans qu'on puisse savoir ce qu'il en était advenu.

Sous la domination Soviétique. l'Estonie s'est trouvée réduite au statut de République de l'Union Soviétique. Les Républiques qui composent l'Union n'agissent pas librement dans le domaine de la politique étrangère et, en règle générale, n'ont pas de relations extérieures qui leur soient propres, bien que certaines d'entre elles soient membres des Nations Unies. En matière de relations extérieures, c'est le Gouvernement de l'Union Soviétique qui agit en leur nom. Ce simple fait suffit à démontrer à quel point la thèse soviétique est mal fondée. En 1940, l'Estonie n'a pas obtenu son indépendance: elle en a été privée. Toutefois, l'annexion de l'Estonie s'étant effectuée de force et en violation flagrante des obligations découlant d'un traité en vigueur, la grande majorité des pays occidentaux ont refusé de la reconnaître.

La complète illégalité de la prise du pouvoir par l'Union Soviétique dans les Etats baltes a été exposée de façon convaincante par de nombreux experts juridiques, ainsi que par une commission d'enquête spéciale de la Chambre des Représentants des Etats-Unis. Un grand nombre de publications ont été consacrées à cette question. L'Estonie n'était pas ”res nullius” lorsqu'elle fut occupée et incorporée de force à l'Union Soviétique; elle était un Etat souverain et indépendant. Aucun droit, quel qu'il soit, ne peut découler pour l'Union Soviétique de l'annexion illégale de l'Estonie. “Ex injuria jus non oritur”. Voila pourquoi le monde occidental a refusé de reconnaître l'annexion des Etats baltes par les Soviets et, comme le dit le professeur A. de Pradelle, c'est là “le minimum qui se puisse attendre d'un monde où le droit garde une certaine valeur”.

Si donc l'affirmation des Soviets est dénuée de fondement, lorsqu'ils prétendent que l'Estonie placée sous leur domination serait un pays libre et souverain, que dire des libertés civiques des citoyens de l'Estonie occupée? Jouissent-ils des droits et privilèges qui sont normalement ceux des habitants des pays réellement libres et démocratiques?

Dans tout pays libre, l'un des droits fondamentaux et essentiels des citoyens est celui d'élire librement ses gouvernants. Il ne peut y avoir de société libre sans élections libres. Or, celles-ci n'existent pas dans les pays communistes ou dominés par les Soviets. Nul n'ignore que, pour toutes les élections qui se déroulent dans ces pays, les listes de candidats sont établis par les organes du parti communiste. L'homme de la rue n'a pratiquement rien à voir dans l'établissement de ces listes. Il peut seulement voter pour la liste telle qu'elle se présente ou - s'il veut marquer son désaccord - voter contre ou s'abstenir. Mais ces deux dernières possibilités sont plus théoriques que réelles, puisque quiconque ose ne pas voter pour la liste officielle court un grave risque.

La mainmise Soviétique sur l'Estonie se trouve encore resserrée par le fait qu'en Union Soviétique ce n'est pas le Gouvernement qui exerce le véritable pouvoir, mais le parti communiste. Toutes les directives importantes émanent du Présidium du Comité central du parti, qui agit toujours dans l'intérêt du mouvement communiste dans son ensemble. L'Union Soviétique est une fédération mais, à certains égards, elle est encore plus centralisée que la Russie tsariste. A l'époque des tsars, l'Estonie, par exemple, possédait son propre code civil, qui était différent de celui de la Russie. Elle possédait également son propre système d'autonomie locale, entièrement différent de celui des provinces avoisinantes de la Russie proprement dite. Pareilles institutions sont impensables aujourd'hui il a fallu les sacrifier sur l'autel de l'uniformité communiste.

Cette centralisation rigide se trouve encore aggravée par le fait qu'il n'existe pas, à proprement parler, de parti communiste estonien indépendant. Ce qui s'intitule “parti communiste estonien“ n'est qu'une section du parti communiste de l'Union Soviétique, entièrement dépendante de ce dernier. Du point de vue politique, l'Estonie sous domination Soviétique n'est donc qu'une colonie de la Russie. Toutefois, cette annexion n'ayant pas été reconnue par le monde occidental, la République souveraine et indépendante d'Estonie continue d'exister en droit international, bien que l'exercice de sa souveraineté soit temporairement suspendu en raison de l'occupation du territoire par une puissance étrangère.

La vie économique

Examinons maintenant brièvement la vie économique de l'Estonie occupée.

Il est incontestable que, pendant la période d'entre les deux guerres, les Etats baltes indépendants avaient accompli des progrès remarquables. Ce fait avait également été souligné dans la déclaration officielle des Etats-Unis mentionnée ci-dessus. L'affirmation Soviétique selon laquelle “ hors du système Soviétique, la Lettonie, la Lithuanie et l'Estonie n'avaient aucune possibilité de se développer sur les plans économique et culturel “ est fausse. La production agricole et industrielle de l'Estonie accusait une augmentation constante et marquée, surtout après la crise économique mondiale des premières années 1930.

La nationalisation de tous les moyens de production, hormis la fabrication des machines agricoles, la construction de petites habitations et l'élevage d'animaux domestiques, a été entreprise en Estonie pendant les tout premiers stades de l'occupation Soviétique en 1940-1941. Les biens nationalisés ne donnèrent lieu à aucune indemnité.

L'évolution de l'économie estonienne sous la domination Soviétique diffère à plusieurs égards de celle qui existait lors de l'indépendance.

Traitement préférentiel de l'industrie

Dans l'Estonie indépendante, pendant les quinze années qui ont précédé la seconde guerre mondiale, l'augmentation de la production agricole, établie en prix comparables, s'élevait à 38 %, ce qui représente une moyenne d'augmentation annuelle de 2,2 % d' année en année. La production industrielle, établie également en prix comparables, a augmenté de 97%, soit 7% d'année en année pendant les dix dernières années d'avant-guerre. En 1939, l'Estonie était cependant restée un pays à prédominance agricole. L'agriculture figurait pour un peu plus de 60% dans la production combinée de l'agriculture et de l'industrie.

Sous la domination soviétique, pendant les années d'après-guerre, le développement de l'économie estonienne s'est poursuivi dans une direction qui indiquait un traitement préférentiel très marqué de l'industrie, au détriment de la production agricole. Il s'en suivit qu'en 1959 le niveau de la production agricole était encore inférieur de 20% à celui de 1939, alors que la production industrielle représentait environ cinq fois et demie celle de 1939. En 1959, la production agricole représentait moins de 20% de la production réunie de l'agriculture et de l'industrie. L'Estonie est devenue, sous la domination soviétique, l'une des régions les plus industrialisées. D'après des sources soviétiques, la proportion des ouvriers employés dans l'industrie, par rapport à l'ensemble de la population, dépasse de 40% celle de l'Union Soviétique. La population urbaine est passée en Estonie, de 33% de la population totale en 1939, à 56% en 1959.

Productivité du travail

L'expansion intensive de l'industrie s'est poursuivie conformément au programme global d'industrialisation de l'Union Soviétique, considérée comme une puissance mondiale, et a suscité le développement de plusieurs branches de l'industrie engagées dans une production de masse; ce fait, allant de pair avec la constante augmentation des normes de production, a augmenté la productivité industrielle d'environ deux fois et demie par rapport à celle d'avant-guerre. De même, la productivité s'est considérablement accrue dans d'autres branches de l'économie. Dans les transports ferroviaires, le nombre des employés est passé de 8.400 en 1939 à 13.200 en 1956, ce qui représente une augmentation de 57 %. Durant cette même période, le fret transport‚ est passé de 264 à 2.234 millions de tonnes kilométriques, augmentant ainsi de plus de huit fois. Dans certains cas, l'augmentation de la productivité s'est traduite par une diminution des commodités mises à la disposition du public. Dans le commerce de détail, par exemple, bien que la population urbaine ait augmenté d'environ 80% depuis l'avant-guerre, le nombre total des magasins et de leurs employés était tombé à un tiers au 1er janvier 1959.

Revenu réel

Bien qu'en règle générale la productivité du travail, dans les principales branches de l'économie, ait plus que doublé au cours des vingt dernières années (de 1939 à 1959), le revenu moyen réel des salariés représentait en 1959 moins de la moitié de celui de 1938. Le total des salaires bruts (impôts non déduits) des 424.000 salariés estoniens (à l'exception des membres des kolkhozes) se montait en 1959 à 3,7 milliards de roubles. Le revenu net moyen d'un salarié ayant un enfant à sa charge, compte tenu des contributions versées par le Gouvernement pour l'instruction générale, les soins médicaux, la sécurité et les avantages sociaux, représentait en 1959, d'après des données Soviétiques, 764 roubles par mois, ce qui équivaut à un pouvoir d'achat (nourriture, vêtements et chaussures) de 42,4 couronnes en 1938. Mais, dans l'Estonie indépendante de 1938, le niveau moyen des salaires nets des ouvriers et des employés ayant une personne à charge, y compris les contributions gouvernementales et privées versées pour l'instruction, l'hygiène générale, la sécurité et le bien-être social, s'élevait à 87,7 couronnes par mois, soit plus de deux fois le revenu de 1959.

La proportion entre le revenu réel de 1938 et celui de 1959 n'a pas été affectée à un degré appréciable par les baisses de loyer. Il est vrai qu'en 1959 le loyer d'une famille ouvrière de quatre personnes (y compris les taxes sur l'eau, les frais d'entretien) ne représentait que 5 % des salaires moyens, contre 13,8 % en 1938. En revanche, le nombre d'occupants par chambre était passé de 1,28 en 1938 à plus de 2 en 1959. Le plan d'extension de l'habitat prévoit, pour l'année 1970, une surface habitable moyenne de 9,5 m2 par personne, niveau qui était courant deux générations auparavant dans les villes estoniennes, ainsi qu'il ressort du recensement de 1922 (1,6 personne par pièce).

Impôts et investissements

Les tendances contradictoires entre l'évolution de la productivité du travail et le revenu réel, de 1938 à 1959 - situation totalement inconnue dans l'économie de temps de paix du monde libre - sont dues aux impôts exorbitants destinés à faire face tant aux exigences directes des Soviétiques qu'à des investissements dans l'économie estonienne, dont la production est mise à la disposition de l'Union Soviétique. Etant donné que seule une fraction de tous les impôts levés en Estonie figure dans le budget d'état de la R. S. S. d'Estonie, la contribution totale de l'Estonie au revenu national de l'URSS doit être déduite des chiffres figurant au budget de l'Etat de l'Union Soviétique.

En 1959, le revenu indiqué dans le budget de l'Etat de l'Union Soviétique, dont le budget national de la R. S. S. d'Estonie représente une partie, se montait à 722,4 milliards de roubles sur lesquels l'impôt sur le chiffre d'affaires représentait 332,4 milliards de roubles et le revenu des bénéfices des entreprises (qui, dans le système Soviétique, est une autre forme d'impôt sur le chiffres d'affaires) représentait 154,9 milliards de roubles. Dans ses recommandations aux diverses Républiques, l'organe officiel du Bureau central des Statistiques de l'Union Soviétique (Vestnik Statistiki, janvier 1958) proposait que la proportion entre le montant global des salaires de chacune des Républiques. et de ceux de l'Union Soviétique serve de base pour déterminer la contribution que chacune d'elles doit apporter au montant global des impôts sur le chiffre d'affaires.

Aucun renseignement sur le montant total des salaires de l'Union Soviétique n'a été publié au cours de ces récentes années, mais dans la mesure où l'on peut considérer que le rapport entre les fonds des salaires peut être le même que celui des ventes au détail (qui, en Estonie, représentaient pour 1959 0.785% du total de celles de l'URSS), et dans la mesure où les contribution des autres postes du revenu de l'URSS, à part l'impôt sur le chiffre d'affaires, sont également plus ou moins proportionnelles à la capacité de production, c'est-à-dire aux fonds de salaires des différentes Républiques, la suggestion dont nous venons de parler constitue une méthode utile, encore qu'imparfaite, pour déterminer le total approximatif de la contribution de l'économie estonienne au revenu d'Etat de l'URSS.

Les calculs ont montré qu'en 1959 cette contribution a été d'environ 5.7 milliards de roubles. Si l'on y ajoute 0.9 milliards de roubles représentant le bénéfice des entreprises estoniennes, assignés cette année-là au financement direct de leur économie, la contribution totale de l'économie estonienne aux diverses dépenses et à l'excédent budgétaire s'est élevé en 1959 à près de 6.6 milliards de roubles. Sur ce total, d'après le budget national de la RSS d'Estonie pour l'exercice 1959, 1.2 milliards de roubles étaient destinés à être utilisés en Estonie pour les crédits consacrés par l'Etat à l'administration générale, à l'éducation, la culture et la propagande ainsi qu'à la sécurité sociale, etc. Une somme totale de 2.3 milliards de roubles était destinée à couvrir le financement de l'économie estonienne (à l'exclusion des kolkhozes). Le reste, soit environ 3 milliards de roubles, devait alors grossir le budget national de l'Union Soviétique; 10% devaient cependant être reversés à l'Estonie, principalement pour couvrir la construction d'une grande usine thermoélectrique.

Vers la fin de 1959, les 2,3 milliards de roubles destinés à financer l'économie estonienne ont été portés à 2,7 milliards de roubles, du fait que des “fonds indivisibles” obligatoires, d'un montant de 0,2 milliard de roubles, s'étaient accumulés dans les kolkhozes et d'une somme sensiblement égale avait été investie dans l'usine hydroélectrique, sur les fonds du budget de l'Union. Ainsi, au moment où le total brut de tous les salaires était en Estonie de 3,7 milliards et le revenu personnel total de la population d environ 4,8 milliards de roubles, la contribution estonienne au financement de son économie et aux exigences Soviétiques (y compris celles qui concernaient l'armement) avait atteint un total de 5,4 milliards de roubles.

C'est un fait bien connu cependant que les “ roubles d'investissement et d'armement” ont un pouvoir d'achat considérablement plus élevé que les “ roubles de consommation”; par conséquent le rapport entre ces deux sommes de 4,8 et 5,4 milliards de roubles est plus défavorable pour le revenu national qu'il n'apparaîtrait du montant nominal en roubles.

En prenant comme base le pouvoir d'achat approximatif du rouble et du dollar, il est possible d'évaluer, fût-ce approximativement (1) le revenu individuel, (2) le montant des capitaux investis en Estonie, et (3) la contribution estonienne à ce que l'on appelle le budget de l'Union Soviétique (qui doit être distingué du budget d'Etat, composé de deux parties: le budget de l'Union et les budgets des diverses républiques qui la constituent). En 1959, le montant du revenu individuel, soit 4,8 milliards de roubles, représentaient un pouvoir d'achat de 348 millions de dollars (au taux de 13,8 roubles pour un dollar).

D'après le bureau central de la Statistique de la RSS d'Estonie, sur une attribution de 2,7 milliards de roubles en 1959 pour le financement de l'économie estonienne, 1,724 milliard de roubles ont été employés à des investissements en capitaux (à l'exclusion des investissements des kolkhozes). Le total des investissements en capitaux en Estonie, y compris les investissements des kolkhozes, se montait à 1,9 milliard de roubles, soit 302 millions de dollars (au taux de 6.3 roubles par dollar). Aux états-Unis, le revenu individuel moyen, au cours des années 1956-58, a été de 326.3 milliards de dollars par an, non comprise une somme moyenne de 30.6 milliards de dollars, représentant les contribution de l'état à la sécurité sociale, l'aide directe, les contributions des employeurs aux caisses de retraite privées, etc., et de 15,5 milliards de dollars (en 1957) représentant les dépenses affectées par l'Etat à l'enseignement. Durant la même période, les investissements annuels dans le secteur commercial se sont montés en moyenne à 62,3 milliards de dollars, soit 19.1% du revenu individuel au lieu de 86.8% en Estonie en 1959. Si la proportion existant aux Etats-Unis était appliquée à l'Estonie, les investissements en 1959 ne se seraient élevés qu'à 58 millions de dollars, au lien de 302 millions. La différence entre ces deux sommes, soit 244 millions de dollars, doit être considérée non pas comme ayant été dépensée dans l'intérêt de la population estonienne, mais comme un investissement effectué uniquement dans l'intérêt du régime Soviétique, conformément à la planification soviétique et dans un territoire régi par les Soviets.

Quant au reliquat de 0.8 milliard de roubles (2.7-1.9) dépensé en Estonie pour le financement de l'économie nationale, en dehors des investissements de capitaux, l'affectation ultime de cette somme n'apparaît pas dans les sources soviétiques dont on dispose. Elle peut avoir été utilisée en partie pour subventionner certaines branches de l'industrie lourde, ainsi que l'entretien et les réparations importantes de l'équipement, etc.… Il est à noter cependant qu'aux taux des roubles de consommation par rapport au dollar cette somme de 0.8 milliard de roubles équivalait à 58 millions de dollars.

La somme de 2,7 milliards de roubles représentant la contribution directe (une partie de l'impôt sur le chiffre d'affaires) et indirecte de l'Estonie au budget national de l'URSS, a été employée en partie pour faire face aux dépenses d'armement et en partie à d'autres fins, y compris les excédents budgétaires. En dehors des 58 millions de dollars (non compris les investissements de capitaux) consacrés en Estonie au financement de l'économie, la somme totale extorquée à l'économie estonienne en 1959 et employée soit à des investissements de capitaux représentant uniquement des intérêts soviétiques en Estonie (244 millions de dollars), ou transférés en Union Soviétique (168 millions de dollars plus 309 millions de dollars) doit donc représenter environ 720 millions de dollars.

Si l'on considère que la population de l'Estonie en 1959 était de 1.2 million, ceci signifie qu'environ 600 dollars par habitant ont été détournés de l'économie estonienne pour les besoins Soviétiques, la population estonienne ne disposant que d'un revenu individuel brut d'environ 290 dollars par habitant.

Trois facteurs principaux semblent avoir joué pour permettre aux autorités de l'économie Soviétique de développer rapidement la production industrielle de l'Estonie. Dans les pays où n'existent pas un ou plusieurs de ces facteurs, il y a peu de chance qu'une expansion aussi rapide se produise. Les facteurs principaux en question sont

1. Un revenu réel initial suffisamment élevé pour que l'on puisse au besoin le réduire de moitié, afin de fournir des capitaux pour des investissements à grande échelle, ou à d'autres fins, sans porter atteinte à la capacité de travail de la population;

2. L'existence de possibilités de logements suffisantes pour permettre de doubler la densité habituelle de la population urbaine sans répercussions fâcheuses sur la production. Si l'on devait faire aller de pair la construction de nouveaux logements et l'apport de nouvelles facilités d'existence avec le développement de l'industrie, il serait nécessaire d'affecter presque le double du capital employé à la seule expansion de l'industrie.

3. Le fait de disposer directement d'équipements industriels et d'usines où ne travaillait auparavant qu'une seule équipe, la plupart du temps, mais où peuvent être employées deux ou trois équipes, et de disposer de réserves locales de combustibles suffisantes pour assurer un développement rapide des sources d'énergie électrique.

Si les sommes immenses extorquées annuellement à la population, et les énormes économies réalisées du fait qu'on a négligé la construction de logements, avaient été disponibles pour le développement d'une économie libre en Estonie, il ne fait aucun doute que les résultats auraient alors dépassé de loin ceux qui ont été atteints sous la domination soviétique.

Domaine culturel

“ National dans la forme, socialiste dans le contenu” tel est le slogan bien connu qui régit les activités culturelles en Union Soviétique. En pratique, cela signifie que la seule liberté reconnue, par exemple aux écrivains, est celle d'écrire dans leur idiome national. Le contenu reste strictement sous le contrôle du parti. Bien entendu, la plupart des oeuvres créées dans un climat aussi humiliant ne peuvent guère être qualifiées de littérature. On ne saurait donc s'étonner que les quelques écrivains estoniens éminents d'avant-guerre qui vivent encore en Estonie aient gardé le silence. La plupart des écrivains en renom ont réussi à fuir l'Estonie avant que les Soviets occupent le pays et ils vivent et travaillent actuellement dans le monde libre.

Les années qui ont suivi la mort de Staline (1953) ont apporté une certaine détente. Quelques écrivains frappés d'ostracisme ont été réhabilités et même admis au sein de l'Union des écrivains. Mais cette période de “dégel“ relatif n'a pas duré longtemps. Le désir manifeste des écrivains des pays asservis de développer librement leur propre culture et de s'affranchir du contrôle direct de Moscou a alarmé les Soviets. La brève période de “dégel“ a été fatalement suivie d'un nouveau raidissement. Le rédacteur en chef de la revue littéraire mensuelle Loorning a été relevé de ses fonctions. Mais la Literaturnaya Gazeta de Moscou ne s'en est pas contentée et a accusé la revue Loorning de passer sous silence les splendides réalisations du régime Soviétique. En fait, dans le domaine littéraire, la situation est plus ou moins redevenue ce qu'elle était avant le “dégel “.

Dans la sphère de la vie religieuse, la situation a évolué dans un sens presque identique. La politique violemment antireligieuse du régime Soviétique en Estonie s'est légèrement assouplie au milieu des années 1950, mais ces derniers temps tous les indices font craindre qu'elle redevienne ce qu'elle était. Des étudiants ont été expulsés de l'Université pour la seule raison qu'on avait appris qu'ils assistaient régulièrement aux services religieux. Des professeurs ont été démis de leurs fonctions pour la même raison. On fait de la propagande pour que les cérémonies chrétiennes du baptême, de la confirmation, du mariage et des funérailles soient remplacées par des cérémonies civiles. Il y a quelques mois, le chef des méthodistes estoniens a été violemment critiqué pour avoir invité des enfants à se réunir au temple.

On pourrait aisément citer maints exemples analogues montrant que - comme dans les domaines politique et économique - la liberté dans la vie culturelle de l'Estonie occupée est un mythe.

C'est là un sombre tableau. Mais malgré les persécutions et l'intimidation, la volonté de vivre libre qui anime le peuple estonien reste aussi forte que jamais.

La Lettonie

Au début de la deuxième guerre mondiale, la Lettonie - comme les deux autres Républiques baltes, l'Estonie et la Lithuanie - était un Etat souverain et indépendant et membre de la Société des Nations.

Depuis qu'elle s'était libérée de la domination étrangère, la Lettonie avait apporté son concours dans les relations internationales et contribué pour sa part aux échanges internationaux, à l'avantage mutuel de tous les intéressés.

L'indépendance de la Lettonie, proclamée en 1918, était reconnue par tous les Etats, y compris la Russie - sous la domination de laquelle le territoire entier de la Lettonie était demeuré pendant un peu plus d'un siècle. La partie septentrionale de la Lettonie - Vidzeme, ou Livonie - avait été cédée à la Russie à la fin de la guerre du Nord aux termes du Traité de Nystad de 1721, qui, tout en transférant ce territoire, garantissait à ses habitants les mêmes droits et privilèges que ceux dont ils avaient joui sous l'administration suédoise. La Latgale, puis la Courlande (Kurzeme) et la Zemgalie étaient respectivement devenues russes en 1772 et 1795, à la suite du premier et du troisième partage de la Pologne, dont le duché de Courlande était à l'époque l'un des vassaux.

Il ressort clairement de ce qui précède que la Lettonie, nation de culture occidentale, n'était pas associée à la Russie depuis des temps immémoriaux, comme d'aucuns le prétendent à tort, et que sa brève association à la Russie n avait jamais résulté de sa propre volonté.

Les relations de la Lettonie avec les autres nations, après son retour à l'indépendance, étaient réglées par de nombreux traités négociés librement et par les obligations qui lui incombaient aux termes du Pacte de la Société des Nations. Les relations de la Lettonie avec ses deux voisines baltes, l'Estonie et la Lithuanie, méritent une mention particulière. Elle était étroitement associée à ces deux pays en vertu d'un traité d'entente et de coopération. En outre, plus de cent accords, aussi bien bilatéraux que multilatéraux, régissaient tous les aspects de ses relations de voisinage. Les relations intra-baltes reposaient sur l'égalité complète et le respect mutuel et pouvaient, à ce titre, servir d'exemple.

Il en est de même des relations de la Lettonie avec ses autres voisins. Après l'heureux aboutissement de sa lutte pour l'indépendance, la Lettonie n'a eu aucun conflit ni différend grave avec d'autres Etats. Ses frontières avec les pays voisins avaient été tracées par voie d'accords mutuels. La Lettonie ne possédait pas de ces minorités importantes qui sont souvent la cause dc différends internationaux; celles qui existaient jouissaient de tous les privilèges, possédant leurs propres écoles et organisations, leur presse et leurs représentants au Parlement. Elle a accord‚ à tous ses voisins d'importantes facilités. aux conditions les plus avantageuses, pour l'utilisation, à des fins commerciales et pacifiques, de son système ferroviaire, de ses ports et de ses rivières. Elle a scrupuleusement respecté ses obligations internationales et ne s'est attiré, de la part d'autres Etats, aucun grief susceptible de menacer son intégrité territoriale ou son indépendance politique.

La population de la Lettonie jouissait de tous les avantages que comporte une existence indépendante dotée d'une législation sociale moderne, d'un niveau de vie élevé, d'une vie culturelle bien développée et d'un gouvernement stable. Il se peut que, généralement, on ignore qu'avant la guerre la Lettonie occupait le second rang quant au nombre des adhésions aux conventions de l'Organisation internationale du Travail et que, bien avant la guerre, les Lettons bénéficiaient d'un enseignement et de soins médicaux gratuits, de sorte que nul n'avait à craindre d'être laissé sans soins en cas de maladie ou dans sa vieillesse. En outre, la Lettonie était le premier pays d'Europe du point de vue du nombre d'étudiants par rapport au chiffre de la population. Dans le domaine dc l'édition. la Lettonie, avec 63 nouveaux livres par an pour 10.000 habitants, venait immédiatement après le Danemark, qui occupait à cet égard le premier rang en Europe avant la dernière guerre.

Avec ses propres ressources et grâce à l'énergie de son peuple, la Lettonie avait réussi, sans aucune aide extérieure, à atteindre un niveau de vie relativement élevé et était bien en avance sur nombre d'autres pays. Membre estimé de la communauté des nations, elle s'était vu confier la présidence du Conseil de la Société des Nations.

Si la Lettonie, nation de culture occidentale, était à la fois désireuse et capable d'apprendre auprès de l'Occident, elle n'avait rien à apprendre de la Russie Soviétique, qui comptait sur elle un retard considérable dans tous les secteurs de l'activité humaine.

Les Lettons pouvaient quitter librement leur pays lorsqu'ils le désiraient et avaient les moyens de le faire. Les étrangers désirant visiter la Lettonie étaient toujours bien accueillis et pouvaient voir de leurs propres yeux les progrès réalisés sur son sol par son peuple industrieux.

Animée par un désir sincère d'éviter les horreurs de la guerre et tout ce qui risquait de mettre en danger son indépendance chèrement acquise, la Lettonie avait fait tout ce qui était en son pouvoir pour se tenir à l'écart de toutes controverses, idéologiques ou autres. Ce n'était pas toujours une tâche facile pour un petit pays situé entre deux grands Etats totalitaires à l'Est et à l'Ouest. Le peuple letton n'avait adopté aucune forme de régime totalitaire, mais demeurait fidèle aux principes fondamentaux des démocraties occidentales, incorporés dans la Constitution de la Lettonie, et à la règle de prééminence du droit dans ses relations avec les autres Etats.

Lorsqu'éclata la Deuxième guerre mondiale, la Lettonie, de même qu'un grand nombre d'autres Etats, proclama sa neutralité et l'observa scrupuleusement, de sorte qu'elle ne fut jamais accusée de l'avoir violée. La Lettonie ne participa point à la guerre, ni d'un coté, ni de l'autre, et cependant son territoire fut ravagé, comme il l'avait été au cours de la Première guerre mondiale. Ses habitants furent massacrés, torturés, persécutés, arrachés à leurs foyers et à leurs familles par des envahisseurs étrangers et dispersés dans toutes les parties du monde. Sa richesse nationale, accumulée au cours des années de paix et de liberté grâce à l'industrie de son peuple, fut pillée et détruite, et son économie nationale complètement ruinée.

Au cours de la Première guerre mondiale, lorsque la Lettonie faisait partie intégrante de l'ancien Empire russe, elle avait subi de lourdes pertes : son territoire avait été dévasté plus que celui de la Belgique et elle avait perdu 25% de sa population, y compris les morts sur les champs de bataille. Cependant les pertes de la Lettonie, Etat neutre, au cours des années 1940 1945, devaient être bien plus considérables encore. A deux reprises, au cours de cette période, des armées étrangères envahirent son territoire, ne laissant derrière elles que ruines et désolation. Des milliers de citoyens lettons furent privés de leurs biens, jugés, condamnés, exécutés, emprisonnés ou déportés.

En une seule nuit de 13 juin 1941, 15.000 personnes sur une population de 2 millions d'habitants hommes, femmes et enfants, de tous âges, de toutes croyances, de toutes origines ethniques et de toutes situations sociales - furent arrachées à leurs familles et à leurs foyers et déportées en Sibérie; en outre, des milliers de lettons ont été tués dans des camps d'extermination ou envoyés dans des camps de concentration, à l'Est comme à l'Ouest (6'500 dans le seul camp allemand du Struthof).

Plus de 100'000 Lettons ont été mobilisés par l'une ou l'autre des puissances occupantes et obligés de combattre dans les rangs de leurs armées, et nul ne sait exactement combien d'entre eux y ont perdu la vie. Plus nombreux encore furent ceux qui ont été contraints de quitter leur pays natal et leurs foyers à cause de la guerre et pour tenter d'échapper aux persécutions étrangères. Cela ne donne pas un tableau complet des pertes et des souffrances endurées par le peuple letton, et celles-ci n'ont pas encore pris fin.

La nation lettone a perdu son bien le plus précieux et le plus cher: sa liberté et son indépendance à l'égard de toute domination étrangère. Elle a, de plus, été privée de son mode de vie démocratique et soumise à un régime totalitaire étranger. L'aspect le plus tragique de cette situation est que tous ces événements sont survenus alors que les nations occidentales luttaient contre l'agression et pour la liberté et la dignité des hommes - combat dans lequel elles ont été victorieuses.

Depuis l'été 1940, la Lettonie n'a cessé d'être occupée par des troupes étrangères d'une puissance totalitaire, avec tout ce que cela implique, et son peuple, privé par la force de ses droits souverains, n'a plus été à même de choisir librement le gouvernement sous lequel il voudrait vivre. En cette année 1960, quinze ans après la fin de la guerre et la création des Nations Unies, nous cherchons en vain la Lettonie parmi les nations souveraines et indépendantes. Nous la cherchons en vain aux Nations Unies, dont le nombre des Etats membres est déjà passé de 50 à 82 et va continuer à augmenter, si bien que cette organisation finira pratiquement par englober tous les peuples libres et libérés du monde entier. Nous ne trouvons pas non plus la Lettonie, nation de culture occidentale, parmi les nations rassemblées au sein du Conseil de l'Europe.

La Lettonie a disparu de la famille des nations qui mènent une existence indépendante et, en cette époque où des peuples n'ayant pas la moindre expérience d'une vie indépendante exercent leurs droits à l'autodétermination et proclament leur indépendance, la Russie Soviétique prétend faussement que les Lettons, habitués de longue date à une vie indépendante, ont remis de leur propre gré leurs droits souverains à la Russie et confié aux Russes la tâche de les représenter sur le plan international et d'être leur porte-parole dans les assemblées internationales. En fait, la Russie se comporte aujourd'hui envers les Etats baltes comme le faisaient les nazis il y a plus de vingt ans envers l'Autriche et la Tchécoslovaquie en prétendant que ces pays avaient abandonné de leur plein gré leur existence indépendante et leur avaient transféré volontairement leur souveraineté. Nous savons tous ce qu'il est advenu des nazis : le traitement qu'ils avaient infligé à l'Autriche et à la Tchécoslovaquie a été qualifié par le Tribunal militaire international de Nuremberg de crime international le plus ignoble, et les responsables de ce crime, reconnus coupables par le tribunal, ont été condamnés à mort.

Or en juin 1940, l'Union Soviétique, en violation flagrante des obligations contractuelles existantes et des règles généralement admises du droit international, a commis sans la moindre justification et sans aucune provocation - des actes d'agression et d'intervention à l'encontre de la Lettonie en envahissant son territoire avec ses forces armées, en obligeant le Gouvernement letton à se retirer, et en s'emparant complètement du pouvoir en Lettonie. Quelques semaines plus tard, des pseudo-élections organisées et dirigées par la puissance occupante, sur une liste unique de candidats Soviétiques triés sur le volet, avaient lieu en Lettonie en présence d'un grand nombre de troupes Soviétiques, sans qu'aucune disposition ait été prise pour que ces élections expriment la libre volonté du peuple letton. Ces faits ont été prouvés de façon indéniable au cours de l'enquête sur l'agression Soviétique à laquelle a procédé une commission d'enquête du Congrès des Etats-Unis.

En conséquence, la puissance soviétique occupante a créé un organisme qui s'est donné lui-même le nom de Parlement, bien qu'il n'eut aucun droit pour parler au nom du peuple letton. Cet organisme, néanmoins, obéissant aux ordres de la puissance occupante et au mépris complet de la volonté du peuple et des principes qui sont à la hase de la Constitution lettonne, a institué un régime communiste totalitaire en Lettonie et supprimé l'indépendance du pays en adoptant une demande, dictée par Moscou, d'admission dans l'Union Soviétique.

Cet “appel”, qui fut adopté par l'organisme qu'avait créé l'Union Soviétique pour servir ses fins impérialistes, a été présenté au Soviet Suprême à Moscou le 5 août 1940, date à laquelle est intervenue l'incorporation illégale de la Lettonie dans l'URSS. Cet acte brutal, accompli par l'Union Soviétique, en violation des droits à l'autodétermination, a été condamné à l'époque et continue aujourd'hui de l'être par la communauté des nations. Il convient de citer ici Lénine. “ Si une nation petite ou faible ne se voit pas accorder le droit de décider elle-même de la forme de son existence politique par un vote libre - impliquant le retrait complet des troupes de la nation qui veut se l'incorporer ou qui est simplement la plus forte, une telle incorporation constitue une annexion, c'est-à-dire l'appropriation arbitraire d'un pays étranger et un acte de violence.

Or, c'est bien un acte de violence que l'Union Soviétique a commis contre la Lettonie en l'incorporant illégalement dans l'URSS. Par cet acte de violence, l'Union Soviétique n'a acquis aucun droit sur la Lettonie et son statut dans ce pays est celui d'une puissance occupante. Pendant près de vingt ans, hormis de l'occupation allemande, l'Union Soviétique a tenu la République Lettone et son peuple sous le joug, contrairement à leur volonté. La République lettone, qui était auparavant un Etat libre et indépendant, a été transformée, par une série ininterrompue d'actes de violence, en une colonie soviétique et une base militaire qui menace la sécurité de l'Occident. Le peuple letton, privé de ses droits à l'autodétermination et de tous les droits humains élémentaires, continue à être exploité, persécuté, déporté et dominé par la puissance occupante.

Jusqu'à ce jour, le peuple letton, contrairement aux fausses allégations des Soviets, n'a pas accepté le régime communiste ni renoncé à sa ferme volonté de recouvrer son indépendance. De nombreux témoignages, émanant tant de visiteurs étrangers en Lettonie que de sources lettones, confirmant que l'esprit de résistance de la population à la domination soviétique n'a pas été brisé et que même certains communistes lettons se sont ouvertement prononcés contre ce régime d'exploitation et d'esclavage.

En dépit des efforts acharnés des Soviets pour obtenir la reconnaissance par les autres nations de l'incorporation illégale de la Lettonie, la majorité écrasante des pays libres, y compris les grandes puissances, a refusé d'admettre les revendications illégales de l'URSS. sur la Lettonie et les autres Etats baltes. Le prétendu Gouvernement soviétique de la Lettonie n'est pas le gouvernement légitime d'un Etat indépendant et souverain, mais seulement un organe auxiliaire de la puissance occupante. Malgré le pouvoir de fait exercé par l'Union Soviétique en Lettonie, la souveraineté territoriale, la nationalité et les droits de propriété de l'Etat letton continuent à exister de jure et le pays est légalement représenté à l'étranger par ses représentants diplomatiques et consulaires dûment accrédités. La République démocratique de Lettonie, dont le territoire est temporairement occupé par l'Union Soviétique, continuera à exister de jure dans son état actuel jusqu'à ce que l'occupation du territoire prenne fin et que la Lettonie soit en mesure de reprendre l'exercice de ses droits souverains. C'est vers ce but - la restauration de l'indépendance totale du pays que se concentrent les efforts de toutes les organisations et de tous les porte-parole de la Lettonie en exil, et cela sans aucune exception.

C'est également en vue de cet objectif qu'ils demandent que les nations libres insistent, au cours des négociations qu'elles engagent, lors de conférences internationales, avec l'Union Soviétique, ou lors des débats des Nations Unies, sur le retrait des troupes Soviétiques de Lettonie et sur la création de conditions qui permettent au peuple letton de choisir librement le régime sous lequel il désire vivre.

Les porte-parole lettons apprécient grandement le fait que les nations libres ont refusé de reconnaître l'incorporation illégale de la Lettonie dans l'URSS. Ils font confiance aux puissances occidentales, et particulièrement à celles qui sont représentées au Conseil de l'Europe, pour ne pas hésiter à chaque occasion à parler au nom de leurs nations-soeurs d'Europe, moins fortunées et qui ont été dépouilles de leur liberté par un empire colonial totalitaire.

De plus en plus, de nouveaux Etats qui ne possèdent pas la moindre expérience de l'indépendance et qui ne comptent qu'un très faible pourcentage d'éléments instruits sont maintenant admis dans la famille des nations libres. Il serait à la fois inconcevable et regrettable que les nations libres n'accordent pas leur appui au rétablissement de l'indépendance de la Lettonie, pays de culture occidentale qui compte un pourcentage élevé de personnes qualifiées avant reçu une formation universitaire et dont la plupart parlent au moins trois langues, qu'elles s'abstiennent de soutenir la cause d'une nation qui a lutté pour sa libration, qui continue de résister à la domination et à l'exploitation étrangères et qui, au cours des années où elle était libre, a prouvé qu'elle mérite et qu'elle est capable de mener une existence indépendante.

La Lithuanie

En 1940, l'U. R. S. S', renouvelant son offensive à l'Ouest pour conquérir l'Europe, a envahi, occupé et incorporé de force la Lithuanie, en violation flagrante de tous ses engagements et obligations internationales. Actuellement, l'Union Soviétique accorde une large publicité au vingtième anniversaire de ce crime international. En outre, Moscou s'efforce de persuader le monde libre que la nation lithuanienne a rejoint de sa propre volonté le groupe des peuples que l'URSS tient en esclavage et que le peuple lithuanien a réalisé des progrès économiques et culturels appréciables sous la domination communiste.

1 L'agression des Soviets

En fait, cependant, la propagande Soviétique n'a pu produire aucun acte international légal ou aucune disposition contractuelle venant à l'appui de ses prétentions. Les déclarations faites par les dirigeants Soviétiques sont trompeuses et en contradiction avec la situation réelle qui règne en Lithuanie.

Lorsqu'a éclaté la seconde guerre mondiale, les relations entre la Lithuanie indépendante et l'URSS. étaient fondées sur trois traités qui avaient été librement conclus

(1) Le Traité de paix du 12 juillet 1920, - signé à Moscou;
(2) Le traité de non-agression, conclu à Moscou le 28 septembre 1926;
(3) La Convention de définition de l'agression, signée à Londres le 5 juillet 1933.

Elles reposaient en outre sur les droits et obligations résultant du fait que (a) la Lithuanie et l'URSS avaient adhéré au Pacte de Paris (Pacte Briand-Kellogg) de 1928, et que (b) les deux Etats étaient membres de la Société des Nations.

En vertu desdits traités, l'URSS et la Lithuanie s'étaient mutuellement engagées à s'abstenir de tout acte d'agression contre l'autre partie et à soumettre leurs différends éventuels, pour le cas où ils n'auraient pu être réglés par voie diplomatique, à une commission de conciliation (articles 3 et 4 du traité de non-agression). Les deux Etats s'étaient déclarés d'accord pour reconnaître comme agresseur, dans l'éventualité d'un conflit international, l'Etat qui commettrait, le premier, l'un des actes suivants : (1) déclaration de guerre à l'autre partie; (2) invasion par ses forces armées, même sans déclaration de guerre, du territoire de l'autre Etat, etc. (article 2 de la convention de définition de l'agression). D'autre part, ils avaient décidé “qu'aucune considération d'ordre politique, militaire, économique ou autre ne pourra servir d'excuse ou de justification à l'agression prévue à l'article 2 (de la convention)”. Enfin, à titre d'exemple, les hautes parties contractantes avaient constaté “qu'aucun acte d'agression... ne pourra, entre autres, être justifié par l'une des circonstances suivantes : (1) la situation intérieure d'un Etat, par exemple sa structure politique, économique ou sociale; (2) les défauts allégués de son administration, etc.; (3) la conduite internationale d'un Etat, par exemple la violation ou le danger de violation des droits ou intérêts matériels ou moraux d'un Etat étranger ou de ses ressortissants; (4) la rupture des relations diplomatiques ou économiques; etc.…” (art.2 de l'annexe de la convention relative à la définition de l'agression).

En dépit de tous ces engagements et en flagrante violation des obligations qu'elle avait souscrites ainsi que des principes du droit international, l'Union soviétique a commencé, immédiatement après la déclaration de la Deuxième guerre mondiale et en profitant de la situation, à intervenir dans les affaires intérieures de l'Etat lithuanien et elle l'a finalement occupé avec des forces armées. Voici les faits qui attestent l'intervention et l'agression armée de l'URSS en Lithuanie:

Le 25 septembre 1939 était signé un protocole secret supplémentaire, en vertu duquel tout le territoire de la Lithuanie entrait dans la zone d'influence de l'Union Soviétique. (Enfin, au cours des “négociations“ du protocole secret du 10 janvier 1941, les Soviets s'engageaient à verser à l'Allemagne 7.500.000 dollars or pour une bande du territoire lithuanien dénommée Suvaika, qui, en vertu du protocole secret supplémentaire du 25 septembre 1939, devait être attribuée à l'Allemagne).

Le 10 octobre 1939, l'Union Soviétique, usant de menaces, contraignait la Lithuanie à adhérer à un prétendu “ traité d'assistance mutuelle”, en vertu duquel l'URSS faisait pénétrer ses garnisons armées sur le territoire lithuanien.

(2) Le 9 juin 1940, Molotov prétendait que la Lithuanie avait conclu un pacte de défense des Etats baltes que l'URSS estimait dirigé contre elle.

(3) Le 14 juin 1940, Molotov remettait à J. Urbsys, ministre des Affaires Etrangères de Lithuanie, un ultimatum exigeant :

“(a) que K. Shucas, ministre de l'Intérieur, et A. Povilaitis, Directeur de la Sûreté, qui se sont rendus directement coupables d'actes de provocation contre l'Union Soviétique, soient jugés;

(b) qu'un nouveau gouvernement, capable et désireux de garantir l'exécution loyale du traité d'assistance mutuelle conclu entre l'Union Soviétique et la Lithuanie et de briser les tentatives des adversaires de ce traité, soit immédiatement constitué en Lithuanie;

(c) que les unités de l'armée rouge obtiennent immédiatement le libre passage à travers le territoire de la Lithuanie, afin d'occuper les localités importantes de ce territoire en nombre suffisant pour assurer et sauvegarder l'exécution du traité d'assistance mutuelle entre l'Union Soviétique et la Lithuanie et mettre fin aux actes provocateurs commis contre les bases de l'armée rouge“.

(4) Le 15 juin 1940, Molotov présentait à Urbsys les “requêtes suivantes”:

(a) L'armée rouge franchira la frontière lithuanienne le 15 juin, à 3 heurs de l'après-midi;

(b) Les unités de l'armée rouge ayant franchi la frontière seront stationnées à Vilnius, Kaunas, Panevezys, Raeiniai et Siaulai:

(c) D'autres bases Soviétiques seront établies d'un commun accord entre le général Pavlov, au nom de l'armée Soviétique, et le général Vitkauskas, au nom de la Lithuanie.

(5) Le 16 juin 1940, Pozdiakov, ministre Soviétique en Lithuanie, constituait pour ce pays un nouveau gouvernement.

(6) Après que la Lithuanie eut été envahie par 300.000 soldats de l'armée rouge et que les émissaires de Moscou eurent constitué à la hâte un gouvernement fantoche, le Kremlin imposait au peuple lithuanien, le 14 juillet 1940, sous la menace des baïonnettes, des élections de type Soviétique. La comédie des ”élections des représentants” à la Diète du peuple fut alors montée de toutes pièces. Une liste unique de candidats fut autorisée et le nombre de ces derniers correspondait exactement à celui des représentants à la “Diète”. Selon le plan fabriqué à Moscou, les candidats étaient proposés par les “réunions de travailleurs“, convoquées et tenues sous le contrôle strict et exclusif de communistes fidèles et d'agents de la police secrète amenés d'Union Soviétique. Afin de renforcer encore l'atmosphère de terreur et de crainte qui pesait sur la population et de préparer ainsi de “meilleures élections”, plusieurs milliers de gens furent arrêtés, peu avant lesdites élections, et parmi ceux-ci figuraient surtout des personnalités dirigeantes dans tous les domaines, politique, social, économique, culturel, etc. Telle est la façon dont fut “élue” la “Diète du peuple” qui devait “demander”, par la suite, l'incorporation de la Lithuanie dans l'Union Soviétique. Cette “requête” fut “acceptée” par le Soviet suprême à Moscou, le 3 août 1940. Cependant, dans les conditions où la “Diète du peuple” avait été constituée, elle n'exprimait pas la volonté du peuple lithuanien. Les décisions de la “Diète” étaient préparées à Moscou et exécutées par ordre de la puissance occupante. En outre, tous ces actes des Soviets ont été perpétrés en violation des obligations de l'URSS découlant de sa signature apposée à la Charte des Nations Unies et à un grand nombre d'autres conventions et accords internationaux.

2. Statut international de la Lithuanie

L'incorporation unilatérale et forcée de la Lithuanie dans l'Union Soviétique ayant eu lieu dans des conditions illégales et n'ayant conféré aucun droit à l'URSS, la situation qui existait avant l'occupation et “l'incorporation” conserve toute sa validité et le statut juridique de la Lithuanie est le même que celui dont elle jouissait avant l'occupation. En outre, elle reste membre de la communauté internationale et est sujette, de ce fait, à des droits et à des obligations. Les représentants diplomatiques et consulaires de la Lithuanie qui sont accrédités auprès des gouvernements étrangers demeurent en fonction et assument la défense des droits et intérêts de la nation et de ses citoyens.

Seul l'exercice des droits souverains de la Lithuanie est temporairement suspendu dans ce pays, du fait de l'occupation militaire (occupatio bellica).

Presque tous les Etats, hormis ceux qui sont dominés par l'URSS, ont refusé de reconnaître la légalité de l'occupation Soviétique en Lithuanie.

3. La résistance lithuanienne

Dès le premier jour de l'occupation Soviétique en 1940, le peuple lithuanien a commencé la résistance contre l'oppresseur, tant dans le pays même qu'à l'étranger. En Lithuanie, les unités de guérilla ont été organisées de façon à empêcher les autorités d'occupation d'exploiter le peuple et d'imposer au pays le régime communiste. A l'étranger, les représentants diplomatiques et consulaires de la Lithuanie ont, en plusieurs occasions, élevé des protestations contre l'occupation du pays et tenu les gouvernements des pays libres informés de la situation existant dans leur pays. Au cours de la même période, le Comité suprême de la libération de la Lithuanie a été institué pour diriger et coordonner la résistance. Beaucoup d'autres organisations politiques de Lithuaniens libres participent à la lutte commune pour la liberté.

4. Le prix de la résistance

La résistance des guérillas a continué jusqu'en 1953. Pendant cette période de combat, la Lithuanie a perdu plusieurs milliers de défenseurs de la liberté qui ont été tués, exécutés ou emprisonnées. En outre 350'000 personnes ont été déportées par les soviets en Sibérie ou d'autres régions arctiques de l'URSS. Seul un petit nombre de ces courageux citoyens ont été autorisés à revenir dans leur patrie. Par suite des exterminations, des combats de guérilla et des déportations, le chiffre de la population totale de la Lithuanie est tombé de 3.2 millions en 1939 à 2,7 millions en 1959. Tel a été le prix de la lutte menée pour la liberté et l'indépendance.

5. Le parti communiste lithuanien

Afin de mieux assurer la domination du pays par l'Union Soviétique, le parti communiste lithuanien a été transformé en une section du parti communiste de l'URSS. D'autre part, pour renforcer le parti communiste lithuanien, la vieille garde de ses dirigeants, qui participaient déjà à la lutte clandestine en Lithuanie indépendante, a été remplacée par de nouveaux éléments formé‚s et entraînés sous l'occupation Soviétique. Ces nouveaux dirigeants sont, en effet, considérés comme plus enclins à admettre la dépendance de la Lithuanie à l'égard du Kremlin et plus loyaux à l'égard de Moscou. En outre, sur 119 membres du comité central du parti, 27 - soit 29,7 % - sont des Russes. Le parti communiste lithuanien compte environ 45.000 membres, soit 1,7 % seulement de la population. Si l'on défalque de ces effectifs les éléments venus de Russie, 1,2 % seulement de la population lithuanienne soutient le parti communiste.

6. L'administration

Les fonctionnaires du pays ont été choisis par Moscou. Tout membre du soi-disant cabinet ministériel qui dévie de la ligne de Moscou est immédiatement relevé de ses fonctions. Les instructions de Moscou font loi. Pour créer, cependant, un semblant d'indépendance dans le domaine de la politique étrangère, un prétendu Ministère des Affaires Etrangères a été constitué. Staline désirait même obtenir un siège aux Nations Unies pour la Lithuanie captive et accroître ainsi le nombre des sièges contrôlés par Moscou. Le prétendu Ministère des Affaires Etrangères n'a pas cependant d'autres fonctions que de faire de la propagande parmi les lithuaniens qui vivent dans le monde libre. En fait, ces fonctions sont exercées par des agents de liaison lithuaniens accrédités auprès des ambassades soviétiques en divers pays. Ces fonctionnaires ont pour mission de surveiller les activités des Lithuaniens libres et de maintenir des contacts avec eux.

Dans l'administration communiste de la Lithuanie comme dans le parti communiste lithuanien, 26% environ du personnel sont des russes.

7. Les changements démographiques.

Le recensement Soviétique de 1959 a signalé une population de 2'713'000 personnes vivant en Lithuanie occupée. A la fin de 1939, la Lithuanie comptait 3'215'000 habitants. Ainsi, pendant la domination communiste, la population de la Lithuanie a diminué de 502.000 âmes. Toutefois, ce fléchissement, calculé en chiffres absolus, est en réalité de beaucoup plus accentué. Si la population lithuanienne était de 3,2 millions de personnes en 1939, elle aurait du être d'environ 3,9 millions en 1959. En effet, le taux d'accroissement naturel de la population, en Lithuanie indépendante, était de 1% par an. En outre, la période de guerre ne pouvait affecter que légèrement la population lithuanienne, puisque le pays est resté neutre. D'autres facteurs ont également eu des répercussions sur le chiffre de la population. C'est ainsi que, parmi les 2,7 millions de gens qui peuplent la Lithuanie, figurent 231.000 Russes “importés” et 18.000 Ukrainiens. En conséquence, la population autochtone en Lithuanie occupée par les Soviets ne dépasse pas le chiffre de 2,4 millions. La différence entre la population vivant dans des conditions normales d'accroissement et la population réelle, en Lithuanie captive, est donc, en définitive, de 1,5 million.

Des statisticiens Soviétiques s'efforçait de réduire ce fléchissement de la population en le ramenant à 167.000 personnes et en l'attribuant à la guerre et aux atrocités nazies. D'après un comité extraordinaire institué par les Soviets pour effectuer des recherches sur les destructions des nazis en Lithuanie, 300.000 personnes auraient été exterminées par ces derniers (Pravda, Moscou, 20 décembre 1944). Toutefois, les sources de propagande Soviétique ont récemment modifié ce nombre en prétendant qui s'agissait de 700.000 personnes.

En fait, le nombre des pertes subies par la Lithuanie captive est le suivant: 300.000 personnes ont été mises a mort par les nazis; 60.000 ont été exilées vers l'Ouest; 180.000 ont été rapatriées en Pologne; 350.000 ont été victimes de déportations du fait des Soviets; 50.000 ont péri dans les guérillas menées contre les Soviets; 100.000 ont été envoyées en Union Soviétique pour y effectuer, sous divers prétextes, des travaux spéciaux (10.000 environ chaque année).

Enfin, le chiffre de 460.000 représente la diminution de l'accroissement naturel de la population, due aux conditions anormales crées par l'occupation Soviétique.

Les sources Soviétiques elles-mêmes font apparaître un fléchissement de 200.000 dans la population des enfants d'âge scolaire.

8. Situation économique

Avec l'introduction du régime économique Soviétique, la population lithuanienne a été dépossédée de toutes les formes de propriété privée - terres, titres, biens immobiliers, comptes en banque, entreprises commerciales. En outre, l'économie lithuanienne a été entièrement intégrée dans ce régime, ce qui a rendu l'industrie tributaire des sources Soviétiques de matières premières ainsi que de leurs marchés. Enfin, 97 % de l'ensemble des exploitations agricoles ont été collectivisées, et un système colonial de quasi esclavage a ramené le standard de vie au niveau de celui de l'U. R. S. S.

(a) L'industrie est en cours de développement. La réalisation qui a fait l'objet de la plus grande publicité est, à cet égard, l'achèvement de la centrale hydroélectrique de la rivière Nemunas, près de Kaunas. Cette centrale produira 400 millions de kw heure, soit 40 % de l'énergie utilisée en Lithuanie en 1959 (Komunistas, n°11, 1959). D'autre part, Moscou a également décidé de construire une centrale thermoélectrique en Lithuanie. La puissance de cette centrale doit être douze fois supérieure à celle de l'usine hydroélectrique dont la construction a été récemment achevée.

Le gaz naturel, acheminé par des tuyaux à partir de l'Ukraine (Dachava), sera utilisé comme combustible pour l'usine thermoélectrique qui va devenir la centrale la plus importante de toute la zone de la Baltique. Par ce moyen, la plus grande partie de i'industrie lithuanienne dépendra directement, pour son activité, du gaz fourni et contrôlé par Moscou.

Un Sovnarkhoz spécial a été créé pour la Lithuanie lorsque la gestion de l'industrie Soviétique a été décentralisée en 1957 et que l'industrie créée à l'intérieur des frontières de la Lithuanie captive a été reconnue comme constituant une unité économique distincte. Ce principe ne s'appliquera pas au réseau de production électrique. Outre le fait que le réseau électrique lithuanien dépend déjà, pour son fonctionnement, de la fourniture de gaz ukrainien, une nouvelle intégration de ce réseau est envisagée dans un proche avenir. Il va être, en effet, incorporé dans un vaste complexe régional couvrant toute la zone côtière de la Baltique depuis Léningrad jusqu'à Kaliningrad inclusivement, plus une grande partie de la Biélorussie (Komunistas, n° 2, 1960). De ce fait, l'incorporation technique de l'industrie lithuanienne dans le réseau industriel de l'Union Soviétique et l'établissement des liens qui en résulteront deviendront plus essentiels pour l'industrie de la Lithuanie que les simples rapports administratifs qui existaient dans le cadre de l'ancien système centralisé.

(b) La production agricole accuse un retard sur les besoins de la population. C'est ainsi que la production laitière des kolkhozes et des sovkhozes (secteur socialiste) de la Lithuanie a atteint, en 1959, 156 quintaux pour 100 hectares de terre arable. D'autre part, le taux de la production laitière obtenu “dans l'ensemble de l'économie agricole” était de 420 quintaux pour 100 hectares (Tiesa, 2 mars 1960).

Dans la terminologie soviétique, “l'ensemble de l'économie agricole” signifie le “secteur socialiste” plus le “secteur privé”. Il suffit de jeter un regard sur les chiffres ci-dessus pour voir que le second est beaucoup plus productif que le premier. On constatera, en outre, que la capacité de production du secteur privé apparaît encore plus impressionnante lorsque l'on compare l'importance respective des deux secteurs. Le secteur socialiste, qui bénéficie de tous les privilèges et faveurs du Gouvernement, cultive 3.833.000 hectares, c'est-à-dire 95% de toutes les terres arables du pays. Quant au secteur privé, il consiste en petits lopins familiaux destinés au jardinage, dont la superficie ne dépasse pas 0.6 hectare par famille et ne couvre au total qu'environ 217'000 hectares, soit 5% des terres arables du pays. Bien que le secteur socialiste cultive 18 fois plus de terres que le secteur privé, la production laitière de ce dernier apparaît véritablement gigantesque.

socia1iste . privé
terres utilisées 95% 5%
production laitière 35 % 65%
production de viande . 39% 61%


Une nouvelle tendance se manifeste pour remplacer les kolkhozes par les sovkhozes. Par cette transformation, le Kremlin espère faire d'une pierre deux coups. Il veut tout d'abord séparer, pour toujours, l'agriculteur de sa terre. En outre, le sovkhozien peut être transféré, à tout moment, de la terre qu'il cultivait dans un autre sovkhoze. Il y a là, de toute évidence, un but politique. D'autre part, la transformation des kolkhozes en sovkhozes est profitable au régime. Il y a quelques années seulement (1958), Khrouchtchev a aboli le système bien connu des stations de mototracteurs (M.T.S.) et a transféré tout leur matériel aux kolkhozes. Les kolkhozes lithuaniens ont du payer 251 millions de roubles pour ces machines (Tiesa, n° 23, 1960). Lors de la transformation des kolkhozes en sovkhozes, le matériel en question est devenu, automatiquement et sans rémunération, la propriété des sovkhozes, c'est-à-dire, en fait, de l'Union Soviétique. En outre, les fonds soi-disant inaliénables des kolkhozes sont également transférés, à l'heure actuelle, aux sovkhozes. Ces fonds s'élèvent approximativement aujourd'hui à 2 milliards de roubles (Tiesa, n° 267, 1959).

c) Niveau de vie. - Le niveau de vie actuel en Lithuanie apparaît très bas, Si on le compare à celui des pays d'Europe occidentale et surtout à celui des Etats-Unis. La pénurie de biens de consommation se fait sentir de façon aiguë. Le marché noir est florissant. Le pouvoir d'achat des salaires moyens est très faible. Ces salaires sont environ de 500 roubles par mois pour un travailleur industriel, de 250 roubles pour une infirmière et de 150 roubles pour un kolkhozien. D'autre part, sur le marché libre, une livre de beurre coûte 14,35 roubles, une livre de sucre 10,10 roubles, une paire de chaussures pour hommes 400 roubles, une robe de femme en laine 450 roubles, un costume d'homme en laine de 1.500 à 2.000 roubles. Or, le coût de la vie minimum par habitant est de 1.000 roubles par mois. La majorité de la population est ainsi dans l'impossibilité de joindre les deux bouts.

9. Vie culturelle

(a) Education. - En Lithuanie occupée par les Soviets, il existe actuellement plus de 4.000 écoles primaires et secondaires avec 16.000 maîtres et 427.000 élèves. En outre on compte 68 écoles spéciales (professionnelles) avec 600 maîtres et 4.000 élèves. Le nombre des institutions d'enseignement supérieur a été porté à 12 avec 1.600 professeurs et 16.000 étudiants.

L'une des caractéristiques essentielles du système d'éducation existant en Lithuanie occupée est l'accroissement relativement rapide des internats. Au cours de l'année scolaire 1958-1959, on ne comptait que 7 internats recevant 2.000 élèves environ. Actuellement, ce nombre a été porté à 22 avec 4.000 élèves (Tarybine Mokykla, no 3, 1960). Par le moyen des internats, le Kremlin cherche à séparer les enfants de leurs parents et à les soustraire à l'influence de ces derniers, qui était et reste anticommuniste.

(b) Lutte du communisme contre “l'étroitesse d'esprit nationaliste”. Lors du Congrès du Komsomol lithuanien, qui s'est tenu du 12 au 14 février 1960, et du Congrès du parti communiste lithuanien, qui s est réuni du 1er au 3 mars 1960, les marionnettes du Kremlin en Lithuanie ont exhorté la population à mener une lutte sans merci contre les manifestations de la soi-disant “étroitesse d'esprit nationaliste”. Pour briser ce prétendu état d'esprit chez les étudiants lithuaniens, le régime a préconisé l'établissement de relations amicales plus étendues avec les “ Républiques-soeurs”, l'organisation d'un plus grand nombre de “semaines d'amitié “, de “soirées de fraternité entre nations, d'excursions collectives de jeunes, d'expositions, de réunions, de journées de poésie russe, de contacts avec les unités de l'armée Soviétique, etc. (Tarybine Mokykla, no 3, 1960).

(c) Purges parmi les professeurs d'universités. - Le régime a intensifié la persécution des professeurs d'universités dont l'enseignement n'était pas conforme à la politique prescrite par le Kremlin en matière d'éducation. A. Snieckus, premier secrétaire du parti communiste lithuanien, a déclaré que l'ancien recteur de l'Université de Vilnius, J. Bulavas, avait été non seulement éloigné de son poste, mais chassé du parti pour “déviations nationalistes”. Le Directeur adjoint de l'Institut pédagogique, J. Lauzicas, a été révoqué pour le même “crime”, et le chef de la Faculté de littérature lithuanienne de l'Université de Vilnius, Mme Luksiene, a été également destituée pour “erreurs de caractère nationaliste” (Tiesa, 4 mars 1960).

(d) Réaction des intellectuels. -- En dépit des révocations et des avertissements, la réaction des intellectuels en Lithuanie devient de plus en plus vigoureuse. Etant donné cette tendance, le parti communiste lithuanien surveille avec la plus grande suspicion toutes les manifestations de la vie culturelle, surtout dans le domaine de la littérature et des arts. Snieckus, premier secrétaire du parti, s'est plaint du fait que, bien que celui-ci ait exhorté les écrivains, les artistes, les compositeurs, les auteurs dramatiques et les producteurs de films, à brosser le tableau le plus coloré et le plus enthousiaste de la merveilleuse marche du peuple soviétique vers le communisme, les problèmes de la vie communiste n'occupent pas encore la place la plus importante et la plus décisive dans la littérature et les arts lithuaniens ” (Tarybine Mokykla, n° 3, 1960). Le régime craint toute déviation hors de ce que l'on appelle le réalisme socialiste. Le désir ardent et naturel qu'a la jeune génération de s'engager dans des voies esthétiques et idéologiques nouvelles est réprimé en Lithuanie occupée. Cette r‚pression a provoqué des réactions incessantes et toujours plus vives.

(e) Russification. - Le régime est très attentif à protéger la vie culturelle lithuanienne de toute influence de l'Occident et il emploie tous les moyens pour l'orienter vers Moscou. La littérature lithuanienne doit, selon lui, se dépouiller de son caractère national et devenir, comme l'a dit un critique communiste connu, Kostas Korsakas, “une littérature multinationale” (Pergale, n° 3, 1960). Tel est le premier pas accompli par les Russes pour lui donner cette nouvelle orientation. En outre, la littérature, la presse, le théâtre, le cinéma et la musique Soviétiques sont introduits dans le pays pour y remplacer les œuvres culturelles autochtones. Un nombre considérable de livres et de journaux russes sont imprimés, en Lithuanie même, et distribués aux lecteurs lithuaniens. De plus, un grand nombre d'experts Soviétiques de toutes catégories envahissent le pays pour remplacer les spécialistes nationaux. En 1939, on ne comptait que 67.000 Russes en Lithuanie, alors qu'aujourd'hui leur nombre s'élève à 231.000. Enfin, un plus grand nombre de Lithuaniens ont été envoyés, sous divers prétextes, en Union Soviétique, pour de longues périodes.

(f) Echanges culturels. - Les échanges culturels de la Lithuanie avec le monde libre sont régis exclusivement par Moscou. La portée de ces échanges est insignifiante. Tout récemment, ceux-ci ont pris une nouvelle orientation. Certaines sources Soviétiques annoncent que les réfugiés des pays baltes sont non seulement invités à rendre visite à leurs parents restés au pays natal, mais que leur retour en Occident sera garanti. Néanmoins, cette “invitation” est liée à certaines conditions. Pour obtenir son visa, le réfugié lithuanien doit préalablement signer une demande par laquelle il souhaite du Soviet Suprême de l'URSS. la renonciation à la citoyenneté Soviétique. Ni‚me les Américains naturalisés de descendance lithuanienne sont soumis à ces obligations. Par ce moyen, Moscou essaye de contraindre les réfugiés lithuaniens et ceux d'autres pays baltes à reconnaître qu'ils sont citoyens de l'U. R. S. S., alors que, de toute évidence, tel n'est pas le cas. Par la même méthode, l'Union Soviétique s'efforce d'obtenir de la part des réfugiés baltes la reconnaissance indirecte de la légalité de l'incorporation de leurs pays à l'U. R. S. S.

10. Religion et églises

Le régime communiste en Lithuanie occupée a supprimé toutes les organisations confessionnelles, ainsi que les périodiques; il a, en outre, interdit l'enseignement religieux dans les écoles publiques et confisqué les biens des églises. Les fêtes religieuses ne sont pas célébrées. Les dimanches eux-mêmes ne sont pas toujours observés. Les fonctionnaires, les étudiants et les maîtres de l'enseignement sont instamment invités à ne pas assister aux services religieux. Les ouvrages de philosophie, de science et d'histoire chrétiennes, ainsi que d'autres œuvres littéraires destinées à la propagation de la foi ont été rassemblés et détruits. Aucun nouveau livre religieux ne peut être imprimé ou importé de l'étranger.

A l'époque de l'indépendance, la Lithuanie possédait une faculté de théologie et de philosophie qui délivrait des diplômes universitaires, ainsi que trois séminaires destinés à la formation des prêtres. Le régime communiste a fermé la faculté et deux des séminaires. L'inscription des élèves dans le séminaire qui reste ouvert a été limité à 60. En 1939, le corps ecclésiastique lithuanien comptait 1'646 prêtres. Un grand nombre d'entre eux (1'146) ont été exilés, emprisonnés ou exterminés. A l'heure actuelle, il ne reste plus en Lithuanie qu'environ 500 prêtres catholiques romains d'un age avancé. Le taux de mortalité de ces prêtres est de 50 par an et s'accroît progressivement. En restreignant le nombre des inscriptions, le régime vise à détruire l'Eglise catholique romaine. En outre, sur 1202 églises, 600 seulement sont restées ouvertes. D'autres ont été converties en entrepôts, en clubs, en musées, ou elles sont simplement restées fermées. En dépit de ces mesures, la foule se presse dans les églises pendant les jours de fêtes et la demande d'ouvrages et de périodiques religieux reste considérable. Les temples protestants et d'autres églises ont subi le même sort.

La propagande en faveur de l'athéisme est continuellement renforcée, “L'un des principaux objectifs du Komsomol (jeunesse communiste) est d'intensifier le mouvement anti-religieux.” Telles sont les paroles qui ont été prononcées récemment par Niunka, Secrétaire du parti, lorsqu'il a exhorté les jeunes à suivre ce mouvement (Komjaunimo Tiesa, 4 mars 1960). De son côté, la Literatura ir Menas du 27 février 1960 a estimé “qu'il est nécessaire de traiter les sujets anti-religieux, dans la littérature lithuanienne, d'une façon plus approfondie et avec plus d'ampleur; il faut, a-t-elle ajouté, démasquer effectivement les superstitions religieuses.”

Néanmoins, la propagande anti-religieuse rencontre une résistance croissante de la part des fidèles. Cette réaction est parfois courageuse. “Lorsque je commence à parler des activités réactionnaires de l'église contemporaine” - a écrit un propagandiste de l'athéisme dans une revue d'éducation lithuanienne - “les étudiants me demandent fréquemment pourquoi la religion est condamnée dans notre pays, etc…” (Tarybine Mokykla n° 11 1960). Or, les élèves qui posent de telles questions peuvent être chassés de leurs écoles. Bien qu'il soit interdit d'enseigner la religion aux jeunes gens et que ce fait est punissable, Radio Vilnius a révélé, dans son émission du 11 décembre 1959, que “certaines personnes pieuses s'arrangent néanmoins pour organiser des leçons de catéchisme à l'usage des enfants”. En outre le même poste, dans son émission du 3 janvier 1960, a fait connaître qu'un catholique romain aveugle du nom de Jocys avait protesté contre la campagne anti-religieuse. Une telle attitude également n'allait pas sans risque. Outre la résistance vigoureuse et hardie qu'elle rencontre ainsi dans certains milieux, la propagande anti-religieuse est également entravée du fait que de nombreux communistes ne professent eux-mêmes l'athéisme que de nom.

Sources: Copie de la résolution 189 (1960)


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, Suisse Romande, 10 août 2001 Mise à jour: 10 août 2001
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