LETTONIE - RUSSIE, Traités et documents de base

LATVIE. (Lettonie.)
  • Mémoire présenté par la Délégation latvienne à l'Assemblée de la Société des Nations. (1920)
  • Non-admission à la Société des Nations le 16.12.1920

  • LATVIE. (Lettonie.)
    Mémoire présenté par la Délégation latvienne à l'Assemblée de la Société des Nations. (1920)

    Les pays lettons.
    Le peuple letton, qui, grâce à des sacrifices presque surhumains, a depuis deux années conquis sa liberté politique et, sur les ruines de l'empire des tzars, réussi à fonder un Etat indépendant bien organisé, national et démocratique, habite depuis une haute antiquité le long de la Baltique, du port d'Ainaschi (Hainasch), sur le bord oriental du Golfe de Riga, à Palanga (Palangen), tout près de la frontière de Lithuanie.


    Superficie.
    Toute la Latvie (Lettonie) couvre une superficie de 64.856 kilomètres carrés. Elle est considérablement plus étendue que le Danemark (38,969 km2), les Pays-Bas (34,186 km2), avec lesquels elle a beaucoup de ressemblance au point de vue de la situation géographique, des conditions climatiques et de la vie économique. La Suisse (41,435 km2) et la Belgique (29,451 km2) sont de beaucoup plus petites que la Latvie.


    Frontières.
    A l'ouest la frontière de Latvie est formée, sur une longueur de 519 kilomètres, par la mer Baltique, principalement par le Golfe de Riga. Au Nord la Latvie a pour voisins les Esthoniens. Cette frontière a pour base le principe ethnographique, et, dans les rayons litigieux à population mixte, elle vient d'être établie par une convention d'arbitrage. A l'est la Latvie touche à la Russie, au sud à la Lithuanie. Pour la délimitation définitive de la frontière letto-lithuanienne une convention d'arbitrage a été conclue entre les deux Etats voisins. (Voir Appendice V.)


    Population.
    La population de la Latvie était au 1er janvier 1914 de 2.552.000 habitants, dont l'écrasante majorité est lettone. Dans les provinces de Courlande et de Livonie, les Lettons forment plus de 95 p.100 de la population des campagnes. Les minorités, habitant principalement les villes, se composent d'Allemands, de Russes, d'Israélites et d'autres.

    Pendant la guerre mondiale la Latvie a été l'arène de longs combats acharnés, c'est pourquoi une partie considérable de la population s'est enfuie, et, d'après le recensement de 1920, le nombre total de la population est de 1.563.193 habitants à l'heure actuelle. La Latvie représentant déjà un Etat bien organisé ces fugitifs de guerre rentrent en masse de Russie.

    Au point de vue national, la Latvie est un pays très homogène, peuplé par une race aryenne très pure et parlant le letton qui, avec le lithuanien, représente aujourd'hui une branche de la grande famille des langues indo-européennes: la branche Baltique. Vers 1840 cette race baltique fut touché par le réveil national qui soufflait sur l'Europe.


    Civilisation lettone.
    Lettons possèdent une ancienne culture nationale se manifestant de la façon la plus claire dans leurs nombreuses chansons populaires. Cet esprit de culture inné chez le peuple letton, et qui a su lutter contre les fortes influences des envahisseurs de l'ouest (Allemands) et de l'est (Russes) - s'est conservé pendant plusieurs siècles intact et, au cours des deux dernières générations, a atteint un haut degré de maturité.

    Avant la guerre mondiale il y avait en Latvie 2223 sociétés, unions, clubs poursuivant le développement de la culture du peuple. La presse, très lue et très répandue, comptait 59 publications périodiques. Le grand nombre d'écoles primaires et moyennes, fondées le plus souvent par l'initiative privée, nous explique l'absence complète d'illettrés parmi les Lettons. En 1913 il y avait en Latvie une école moyenne par 29.000 habitants et plus de 2000 étudiants dans les universités russes. Un pareil développement de l'instruction se rencontre très rarement même dans les pays d'une culture très avancée.

    Mais c'est surtout dans l'art littéraire, dramatique, musical et dans la peinture que notre génie national s'est manifesté pendant la réaction et l'oppression russe. On ne saurait s'étonner de trouver une littérature originale très riche et de nombreuses traductions des meilleurs auteurs classiques.

    L'art dramatique se cultivait dans un grand nombre de théâtres à Riga et à la campagne même. La musique lettone est très ancienne et fort riche; ce fait est prouvé par de nombreuses mélodies et airs populaires. Les compositeurs modernes ont réussi à créer un art musical conforme au génie letton et au sentiment national. Les peintres et les sculpteurs ont aussi manifesté une productivité considérable. Leurs premiers efforts pour créer une peinture imprégnée de l'esprit national ont été couronnés d'un succès qu'on a pu constater dans les nombreuses expositions de leurs oeuvres.

    Tout dernièrement, après la déclaration de l'indépendance de Latvie, l'activité du génie letton s'est élargie et s'est approfondie considérablement. On a fondé une université comprenant des facultés scientifiques et techniques. Le nombre des étudiants dépasse déjà 2000. L'activité dramatique, artistique et musicale, dispersée dans toute la Russie pendant la guerre, se concentre en Latvie. A Riga on a fond� un conservatoire, un opéra national et un théâtre national qui ne le cèdent en rien aux opéras et aux théâtres de la Russie et des pays du Nord.

    Ainsi après avoir rompu les chaînes russes et créé un Etat national, le peuple letton déploie une énergie sans pareille prouvant qu'il est digne de la culture occidentale et capable de se l'assimiler, et que la tutelle allemande et l'oppression russe n'ont fait qu'entraver les efforts de son génie national.


    Histoire.
    L'histoire trouve les Lettons dans les territoires qu'ils habitent aujourd'hui. Divisés en plusieurs pays, sous leurs chefs et leurs rois, ils vivaient libres. Par les terres lettones passait l'ancienne voie du Nord à Byzance, à la mer Caspienne et vers l'Alta�. Depuis l'antiquité les Lettons étaient en rapports avec les nations civilisées de l'époque, comme le prouvent les riches découvertes de monnaies et de produits manufacturés phéniciens, grecs, romains et arabes que des fouilles récentes ont fait retrouver dans le pays.

    La situation géographique favorable de la Latvie sur la mer Baltique fut la cause des luttes incessantes dont ce pays fut le théâtre. Le commerce lucratif avec l'Orient attirait vers la Latvie les négociants allemands. Ils furent suivis par les croisés allemands pour les mêmes raisons qui poussaient d'autres croisés à la conquête de l'Asie Mineure. Une lutte longue et sans merci commença entre les Lettons et les Esthoniens d'un côté, les conquérants allemands de l'autre. Pendant plus de 150 ans ces nations résistèrent aux Allemands. De grands combats furent livrés, parmi lesquels un des plus importants est celui de Durbe 1260) où les forces unies des Lettons et des Lithuaniens anéantirent complètement les forces des chevaliers allemands. Mais la lutte était inégale, parce que les Allemands recevaient sans cesse de leur pays natal des renforts, et parce qu'ils surpassaient leurs ennemis par leur science militaire; et ainsi les Lettons furent subjugués. Peu à peu les conquérants allemands parvinrent à priver les Lettons de leurs droits civiques, et l'Etat créé par l'Ordre teutonique sous la forme d'une république fédérale dura jusqu'à 1560. La faiblesse intérieure, la Réforme luthérienne dans cet Etat ecclésiastique et l'augmentation de l'influence étrangère provoquèrent la ruine de l'ancien Etat livonien. L'Esthonie passa sous la domination de la Suède, la Latgale et la Livonie sous celle de la Lithuanie unie à la Pologne, Piltène et Oesel sous la domination danoise, la Courlande seule sauvegarda son indépendance en formant un duché vassal de la Lithuanie-Pologne. Le duché de Courlande parvint à un haut degré de culture pendant son indépendance. L'industrie y prospérait, la construction navale dans les ports courlandais créait une marine importante. La Courlande possédait des colonies en Amérique (Tobago) et en Afrique (Gambie). La prospérité du pays fut anéantie par les nombreuses guerres du XVIIe siècle. En 1621, la Suède annexa la Livonie, et, sous la domination suédoise, les Lettons de Livonie connurent des jours meilleurs, parce que le Gouvernement suédois favorisait l'émancipation lettone et l'aidait à se soustraire à la domination allemande. La grande guerre du Nord changea cette situation; les troupes de Pierre 1er conquirent la Livonie et l'Esthonie. Alors la Latvie fut divisée en trois tronçons qui, l'un après l'autre, furent plus tard conquis par la Russie.


    Période russe.
    Sous la domination russe, les conditions d'existence des Lettons furent difficiles. Depuis la conquête allemande, la noblesse était allemande. En Russie aussi la seule classe libre était la noblesse, et grâce au caractère germanique de la cour de Russie, la noblesse de Latvie parvint à acquérir des privilèges inadmissibles sous la domination suédoise. Sous la domination russe, les diètes de Courlande et de Livonie, qui représentaient auparavant toutes les classes libres de la population, devenaient peu à peu des institutions de la noblesse, où seule la noblesse pouvait être représentée. Les paysans furent soumis à la domination complète des nobles. Au commencement du XIXe siècle les paysans lettons furent libérés du servage mais toute terre resta dans la possession de la noblesse, et ce n'est que 50 ans plus tard que les paysans lettons obtinrent le droit d'acheter la terre. Ce sont les raisons qui augmentèrent la haine lettone contre les nobles allemands.

    L'histoire moderne commence pour la Latvie en 1840. Les Lettons n'ont jamais accepté la spoliation exécutée par les Allemands sous la protection de la Russie. Leur mécontentement éclata avec violence dans de nombreuses révoltes (dont la plus importante est celle de 1905), qui furent toutes cruellement réprimées par les Allemands et les Russes. Les patriotes lettons réclamaient pour la nation lettone les droits appartenant aux autres peuples libres. La conscience nationale lettone, supprimée par tous les moyens, se révélait avec une grande force.


    Politique russe en Latvie avant la guerre mondiale.
    La population demandait depuis longtemps un régime politique en harmonie avec son état économique et culturel. Avant la guerre les hommes politiques lettons réclamaient pour la Latvie une large autonomie politique. La Latvie devait être reconnue comme Etat, car seules les institutions politiques modernes peuvent favoriser et diriger l'évolution régulière des forces intellectuelles et matérielles.

    Avec le développement de l'action indépendante lettone dans ces domaines augmentaient aussi les tendances centralisatrices du Gouvernement russe. Le Gouvernement russe s'appliquait à russifier les Lettons par tous les moyens. Les Lettons demandaient pour eux des écoles moyennes et supérieures lettones, et en réponse, le Gouvernement central russifiait les écoles primaires. Les Lettons réclamaient la solution de la question agraire en rapport avec les exigences modernes, et, en réponse, le Gouvernement russe commençait à faire coloniser les terres lettones par des colons russes venus de l'intérieur de la Russie. Les Lettons réclamaient des juges connaissant la langue lettone, et le Gouvernement russe d�fendait de parler letton aux juges qui connaissaient cette langue. Les Lettons réclamaient une part des impôts payés par eux-mêmes pour l'entretien de leurs institutions culturelles (écoles, théâtres, opéra, etc.), mais le Gouvernement entretenait avec l'argent letton des institutions russes en Latvie et ne se servait en Latvie que de fonctionnaires russes.

    La Latvie souffrait aussi économiquement. Citoyens d'un pays hautement développé au point de vue économique, les Lettons produisaient beaucoup plus et, par conséquent, étaient beaucoup plus chargés d'impôts, même relativement, que les Russes; de telle façon qu'annuellement la Latvie payait à la Russie de 25 à 35 millions de roubles, après la déduction de toutes les dépenses pour les institutions de l'Etat en Latvie et en y ajoutant la part proportionnelle des sommes dépensées pour le maintien des institutions centrales. Les lettons payaient de lourds impôts sans rien recevoir en retour. Avec cet argent letton le Gouvernement russe entretenait les provinces barbares et subvenaient aux frais des institutions et entreprises russes aux dépens des Lettons et contre eux. En Latgale, les Lettons catholiques n'avaient pas jusqu'en 1904 le droit d'acheter des terres surpassant une certaine étendue.

    Cette politique russe ne pouvait pas augmenter les sympathies lettones envers la Russie. Les Lettons ne se russifiaient pas, de même qu'ils ne s'étaient pas germanisés, bien que les Allemands, sous la domination russe, aient tout fait pour arriver à ce résultat.

    A l'étranger on parle encore souvent d'une fédération russe, mais parmi les peuples intéressés, cette idée est abandonnée depuis longtemps comme impossible à réaliser. Tous ont compris qu'il est impossible de créer une fédération entre des éléments Si différents par l'histoire, la civilisation, les traditions, la mentalité, la race, la religion, le nombre et la situation géographique.

    Les tentatives faites en vue de créer une fédération russe sont toujours sorties des milieux panslavistes qui, eux aussi, ne voient dans la fédération qu'un bon moyen de tromper le peuple.


    La guerre 1914~19I9.
    Quand la guerre éclata, le peuple letton prit résolument partie contre l'Allemagne. Environ 182,000 Lettons ont combattu dans les rangs de l'armée russe. Aussitôt la guerre déclarée, le peuple letton demanda la création d'une armée composée de soldats volontaires lettons, commandés par des officiers lettons, pour la défense de la Latvie. Après une longue résistance, le Gouvernement russe donna, en juin 1915, après la seconde avance allemande en Courlande, l'autorisation de former cette armée. Les Lettons eurent le mérite d'arrêter l'armée allemande devant Riga jusqu'au mois de septembre 1917. Cette armée de volontaires se distingua fréquemment et perdit 32,000 morts. Bornons-nous à rappeler leur conduite dans deux circonstances. En juillet 1916, et de décembre 1916 à janvier 1917, les Lettons, exécutant le plan de l'Etat-Major letton, réussirent à percer le front allemand qu'on regardait comme inviolable. Mais les réserves russes ne furent point employées, et les Allemands parvinrent à rétablir leur situation. Les Lettons ressentirent douloureusement cette inaction des Russes. Sous le régime de Kerensky, les troupes russes abandonnèrent tous les points stratégiques devant Riga, et les légions lettones se couvrirent d'une gloire immortelle devant la capitale de la Latvie. Les troupes lettones savaient que leur courage serait impuissant à changer la fortune de la bataille; elles se faisaient tuer pour la gloire du nom letton.


    Occupation allemande.
    Pendant l'occupation allemande, le Gouvernement allemand voulait obtenir par la ruse ou la force une déclaration de la population baltique en faveur de l'incorporation des pays baltiques à l'Allemagne. A Riga et à Mitau des institutions spéciales, les �Landesrats�, furent créées qui devaient se prononcer pour l'annexion à l'Allemagne. Tous les partis politiques lettons étant hostiles à une union avec l'Allemagne, ces Landesrats se composaient principalement des représentants des Russo-Allemands locaux, particulièrement de la noblesse allemande du pays. Pour éviter un parfait ridicule à ces Landesrats, les autorités allemandes forçaient à y prendre part quelques paysans lettons qui étaient amenés aux réunions de ces assemblées par la force armée. Pas un seul Letton parmi les hommes politiques n'a participé à cette comédie. Ces Landesrats pouvaient alors se prononcer en faveur de l'union avec l'Allemagne et offrir la couronne ducale de Courlande et la couronne royale de l'Etat baltique à Guillaume II. Mais quand le 3 septembre 1918 les Allemands fêtèrent l'anniversaire de l'occupation de Riga, avec la participation enthousiaste des hommes politiques russo-allemands, des représentants de toutes les corporations et sociétés allemandes, pas une seule société lettone n'y participa. La noblesse russo-allemande, supportée par les autres classes allemandes, défendait seule �l'avenir allemand des Provinces baltiques".


    L'idée de l'Etat de Latvie.
    L'idée d'un Etat latvien date déjà de l'origine du peuple letton. Elle est liée au nom même de Latvie". Cette dénomination géographique n'existait autrefois que pour marquer le territoire habité par les Lettons. Le nom de Latvie fut mis à l'index et par les Russes et par les Allemands. La censure ne l'admettait nulle part, ni comme titre d'un livre, ni comme rubrique de journaux, ni comme dénomination d'une société. Il en fut encore ainsi aux temps de l'occupation allemande 1918).

    Ce mot cependant resta gravé dans la mémoire du peuple comme expression de ses idéals. Vers 1875 parut l'hymne national letton (,,Dieu, bénis la Latvie"). De temps à autre on interdit de le chanter.


    Fondation de la République de Latvie.
    Sous l'influence de la révolution russe et de la proclamation du principe de libre disposition de soi-même pour les peuples par le président Wilson, le rêve du peuple letton de former un Etat libre et démocratique commença à se réaliser.

    En Russie où les événements empiraient rapidement, personne ne songea à défendre la Latvie contre l'agression allemande. Les braves bataillons lettons qui pendant 2 années avaient tenu le front de Riga et s'étaient en vain sacrifiés, furent abandonnés par les Russes.

    Les troupes russes qui, en battant en retraite, ravageaient et pillaient la Latvie, s'écriaient: ,,Ce n'est pas notre pays, ça ne nous regarde pas".

    C'est alors que les Lettons virent qu'ils n'avaient aucun secours à attendre de la Russie, où l'ordre ne pouvait se rétablir de longtemps, et qu'une alliance future avec elle ne leur offrirait aucun avantage. Voilà pourquoi vers la fin de 1917 tous les partis politiques lettons furent convaincus qu'il était nécessaire de créer une Latvie indépendante, ayant sa vie propre.

    En 1917 à Riga, pendant l'occupation allemande, les partis politiques lettons et les grandes sociétés politiques formèrent un bloc, qui réunissait tous les partis politiques lettons.

    L'idée directrice de ce bloc fut l'idée de l'indépendance latvienne et de la lutte contre les tendances annexionnistes allemandes et russes.

    En même temps dans la partie qui restait non occupée en Livonie et en Latgale, fut fondé le Conseil National letton.

    Lorsque l'élan irrésistible des armées alliées brisa la puissance militaire allemande en occident, le peuple letton reprit courage.

    A la suite de la signature de l'armistice le 11 novembre 1918, et de la reconnaissance le jour même par le ministre des Affaires Etrangères d'Angleterre, Mr. Balfour du Conseil National letton comme unique autorité politique en Latvie, les partis politiques lettons se réunirent et le 18 novembre 1918 proclamèrent la République latvienne indépendante. (v. Appendice I.) C'est alors que se forma le cabinet présidé par Mr.Ulmanis.


    Les événements militaires dans la jeune République de Latvie.
    La situation du jeune Etat était fort pénible. La guerre mondiale, qui avait passé sur la Latvie, avait dévasté le pays et anéanti ses richesses. De terribles ravages lui avaient été causés particulièrement par la retraite de l'armée russe pendant l'été de 1915 et en 1917. Une immense quantité de butin de toute sorte avait été évacuée de Latvie par les autorités allemandes d'occupation. Un nouveau danger du côté de l'Orient menaçait la Latvie.

    C'étaient les bolchéviks russes. Ils avançaient sur les traces des Allemands qui dans leur retraite leur avaient livré les villes et les provinces latviennes.

    Le fléau bolchéviste menaçait de se propager sur toute l'Europe orientale. Le Gouvernement de la nouvelle Latvie n'ayant pas de forces militaires suffisantes dut quitter sa capitale Riga pour se rendre à Libau.

    Là le gouvernement national letton réussit à organiser une force militaire déjà imposante moins grande par le nombre que compacte et enflammée du désir de combattre et de mourir pour son idéal national politique: une Latvie indépendante. La jeune armée lettone passa a une contre-offensive victorieuse contre les bolchéviks, et vers le milieu de mars, elle en purgea toute la Courlande et occupa Mitau et Sloka. A la même époque, les représentants du gouvernement Ulmanis, d'accord avec les Esthoniens, organisèrent au nord de la Latvie, quelques régiments lettons, qui eurent vite fait de refouler les bolchéviks vers le sud. Mais les grands propriétaires allemands de Latvie, de concert avec les troupes allemandes d'occupation du Général von der Goltz, firent un coup d'Etat à Libau le 16 avril 1919.

    Le droit et l'équité l'emportèrent cependant. Toutes les énergiques tentatives des réactionnaires allemands pour fonder un nouveau cabinet de ministres, choisis parmi leurs partisans au sein même des sphères lettones conservatrices, ne remportèrent qu'un succès insignifiant. Les sympathies de la population entière comme celles de classes intellectuelles étaient acquises au cabinet Ulmanis. Cela se manifesta de façon particulièrement éclatante à la séance historique du Conseil National latvien à Libau le 12 mai 1919.

    La politique égo�ste des organisateurs du coup d'Etat fait à Libau par les cercles réactionnaires allemands, prolongea de deux longs mois pour la population de Riga affamée toutes les horreurs du bolchévisme. Le 22 mai la division lettone du général Balodis, alors colonel, entra à Riga. Malgré la présence de cette division, les Allemands organisèrent dans la ville une impitoyable terreur, moins dirigée contre le bolchévisme que contre les Lettons, en tant que Lettons. Ils provoquèrent ainsi l'opposition de toute la population démocrate. Récemment délivrés des bolchéviks, les habitants de la capitale, remplis d'amertume, n'aspiraient qu'à être aussi délivrés des Allemands. Cependant il était clair pour chacun que les Allemands n'évacueraient pas Riga de bon gré; on prévoyait donc de nouvelles rencontres à main armée. Elles ne tardèrent pas à se produire. Elles commencèrent dès que les formations allemandes se heurtèrent en Livonie aux contingents lettons du Nord et aux troupes letto-esthoniennes réunies. Après de nouveaux combats les troupes allemandes furent contraintes de battre en retraite. Le 3 juillet, après l'armistice de Strasdmuischa, conclu la veille, l'armée lettone du Nord occupa Riga, où, le 6 juillet, le Gouvernement légitime revint de Libau.

    C'était le début d'un énergique travail constructif pour le jeune Etat letton. Les problèmes qui surgissaient devant le nouveau Gouvernement étaient fort sérieux.. Avant tout, continuer la guerre contre les bolchéviks, puis faire face au danger, menaçant la sûreté de l'Etat du côté des détachements allemands, restés en Courlande, où ils gênaient considérablement l'action du Gouvernement, pillant et terrorisant les populations. Bientôt presque toutes les formations allemandes passèrent soi-disant au service russe. Avaloff-Bermondt se mit à leur tête. Le Général allemand von der Goltz entretenait avec lui le plus étroit contact. Il était clair que les formations germano-russes nouvellement créées n'évacueraient pas spontanément la Courlande, malgré toutes leurs promesses. Tous sentaient la guerre inévitable.

    Au centre, tout le mécanisme de l'autorité politique était à créer par le Gouvernement. Il fallait songer à organiser les transports et la vie financière et économique du pays, donner sa sollicitude à l'instruction populaire, et c'est dans ce but que, le 22 septembre 1919, on inaugura l'université de Riga. On ouvrit encore beaucoup d'établissements d'instruction moyenne et élémentaire dans les autres villes de Latvie.

    Les organes d'administration communale furent renouvelés et élus sur le principe du suffrage universel.

    Septembre 1919 s'écoula dans cette fiévreuse activité. La situation de la population lettone dans certaines parties de la Courlande devenait intolérable. Partout les détachements russo-allemands leur faisaient subir outrages, arrestations, violences. En plusieurs endroits on en arriva à des rencontres à main armée. L'orage était dans l'air; il éclata le 8 octobre, lorsque les détachements de Bermondt attaquèrent les Lettons à Olai et bientôt un bombardement infatigable couvrit la ville de Riga de bombes asphyxiantes qui tuèrent de paisibles habitants - vieillards, femmes et enfants.

    Mais la résistance héro�que des troupes latviennes et la ferme volonté du peuple de défendre sa liberté et son indépendance, sauvèrent la capitale de Latvie. Etudiants, écoliers, femmes même prirent part, en hiver et dans de dures conditions, aux combats de défense.

    Vers la fin d'octobre 1919 l'armée latvienne soutenue par le feu des vaisseaux anglo-français, sous le commandement du capitaine Brisson, repoussa l'ennemi au delà des portes de Riga et un mois plus tard les troupes Latviennes victorieuses avaient réussi à chasser les troupes de Bermondt du territoire de Latvie. Alors l'Allemagne prit les troupes Avaloff-Bermondt sous sa protection. Comme c'était un acte ennemi à l'égard de la Latvie, le Gouvernement de Latvie se vit obligé de se considérer sur le pied de guerre avec l'Allemagne.

    Il ne restait que les provinces de Latgale à délivrer du joug bolchéviste.

    Le 3. janvier 1920 commença l'heureuse offensive de l'armée latvienne sur le front de Latgale, et déjà vers la mi-février toute la Latgale était libérée.

    Cette libération a permis de procéder aux élections de l'Assemblée Constituante.


    L'Assemblée Constituante de Latvie.
    Les élections eurent lieu le 17 et le 18 avril 1920. Tous les citoyens et citoyennes de Latvie âgés de 21 ans y prirent part.

    L'Assemblée Constituante fut convoquée le 1 mai 1920 (v. appendice VII) et le 27 mai elle proclamait solennellement à l'unanimité l'indépendance de la Latvie (v. appendice Il); le 1 juin les statuts provisoires de l'Etat latvien furent adoptés. Le Gouvernement Provisoire démissionnait et pour la première fois un Gouvernement constant, responsable devant l'Assemblée Constituante, fut formé.

    L'Assemblée Constituante se mit à l'oeuvre avec ardeur afin d'établir le droit constitutionnel de la jeune république.


    Réforme agraire.
    La première oeuvre importante fut la réforme agraire. La situation agraire en Latvie, depuis si longtemps anormale, a toujours été la cause de pénibles conflits. La plus grande partie de la population lettone était sans terre et les grandes propriétés appartenaient particulièrement aux nobles baltes. L'Assemblée Constituante a déjà adopté une loi agraire équitable et raisonnable. Cette loi a créé, au profit des paysans sans terre, un fonds de terres appartenant à l'Etat à l'aide des terres enlevées contre indemnité aux grands propriétaires. Une partie des biens a été laissée aux anciens propriétaires. La loi agraire sera le fondement d'une nouvelle prospérité économique en Latvie.


    Paix avec la Russie et l'Allemagne.
    Attendu que la Latvie a été délivrée de tous ses ennemis et qu'une reconstruction économique du pays ruiné ne peut être assuré du succès qu'en temps de paix, le Gouvernement a entrepris l'oeuvre de paix tant désirée.

    Après de longues délibérations la Latvie signa la paix le 15 juillet 1920 avec l'Allemagne et le 11 août avec le Gouvernement des Soviets de Russie. Les traités de paix sont déjà ratifiés (v. appendice III et IV). La Latvie veut avoir les meilleurs rapports avec les pays voisins de son Etat et entretenir avec eux de passibles relations économiques. Elle garantit à la Russie la jouissance des voies de communication qui traversent la Latvie et 1' accès de ses ports (v. traité de paix Appendice V).


    Bases économiques.
    Par la création de ports libres la Latvie désire faciliter le trafic économique à tous les peuples. L'intensité de la force ouvrière du peuple letton, la supériorité de l'agriculture assurée par sa production du lin, sa richesse forestière, ses industries de bois, de papier, le développement des voies de communication et l'utilisation de ses eaux offrent à la Latvie la garantie d'une existence économique comme Etat indépendant (Sur la situation économique actuelle, voir supplément).

    Pour pouvoir se développer librement la Latvie a besoin d'être dans le plus bref délai reconnue légalement par les grandes puissances, car rien ne lui manque pour être reconnue de jure.


    La Conférence des Etats Baltiques.
    La Latvie s'est toujours conformée aux hauts principes de la Société des nations, ce qui est aussi prouvé par le travail de la Conférence des Etats Baltiques (Finlande, Esthonie, Latvie, Lithuanie, Pologne, Ukraine), convoqués par la Latvie et qui a siégé à Bulduri près de Riga en août 1920.

    Les décisions qui ont été prises à la conférence sont un facteur très important pour la pacification de l'Europe orientale. Les Etats baltiques veulent, en se reconnaissant mutuellement, s'assurer la paix par la suppression de tout obstacle à leurs relations économiques, par la défense commune de leur liberté, contre une agression quelle qu'elle soit, et par là servir l'humanité. (v. Appendice VI.) Le peuple letton désire la paix et le travail; sa liberté qu'il a acquise au prix de tant de sacrifices, il la défendra devant toute attaque jusqu'à la dernière goutte de son sang. Le peuple letton espère qu'à l'avenir toutes les relations des peuples seront réglées, non par un pouvoir brutal, mais par des conventions libres et par l'intermédiaire de la Société des Nations.


    Admission dans la Société des Nations.
    La Latvie désire participer à l'oeuvre généreuse de la Société des Nations, car, par l'organisation de son travail comme Etat indépendant, elle croit avoir prouvé qu'elle est à même de se gouverner et, qu'ayant rempli les conditions du article 1 du ,,Pacte de la Société des Nations" elle est digne de l'honneur d'être acceptée comme membre de la Société des Nations. Le Conseil National latvien a proclamé le 18 nov. 1918 une Latvie unie et indépendante dans la Société des Nations.

    Depuis, la Latvie a été reconnue de facto de plusieurs Etats comme l'Angleterre, la France, le Japon, l'Allemagne, la Pologne, la Belgique, la Finlande, l'Ukraine, la Lithuanie, Ha�ti (les documents de reconnaissance ont été transmis à Mr. le Secrétaire Général de la Société des Nations).

    D'après l'article 2 du Traité de Paix du Il août 1920 la Russie a reconnu l'indépendance et la souveraineté de la Latvie de facto et de jure. Elle renonce à jamais à tous les droits souverains sur le territoire ou le peuple de la Latvie (v. appendice).

    D'après l'article 2 du Traité de paix du 15 juillet 1920 l'Allemagne s'engage à reconnaître la Latvie de jure aussitôt qu'un des principaux Etats Alliés, mentionnés dans le Traité de paix de Versailles, l'aura fait.

    La Latvie a l'honneur d'avoir actuellement comme représentants diplomatiques auprès de son Gouvernement les missions de la Grande Bretagne, des Etats-Unis, de France, d'Italie, d'Allemagne, de Pologne, de Finlande, d'Esthonie, de Lithuanie, d'Ukraine et de Russie et comme représentants consulaires les consuls de la Grande Bretagne, des Etats-Unis, de France, d'Allemagne, de Pologne, de Finlande, d'Esthonie, de Lithuanie, d'Ukraine, de Belgique, de Danemark, d'Autriche, du Brésil, de Norvège, de Suède, de Hollande, de Suisse et de Russie.

    Le 18 septembre 1920 l'Assemblée Constituante a pris à l'unanimité la résolution suivante:


    La Latvie, ayant par de grands sacrifices conquis sa liberté et son indépendance, désire participer avec les autres Etats au travail mutuel de fondation d'une paix universelle et au développement des relations basées sur des principes de justice et de droit entre les Etats et les nations.

    A cet effet l'Assemblée Constituante charge le Gouvernement de faire tout son possible pour que la Latvie soit admise comme membre de la Société des Nations.

    Se basant sur cette résolution, la délégation latvienne a l'honneur, au nom du Gouvernement de Latvie, de prier la Haute Assemblée d'admettre la Latvie dans la Société des Nations.

    Source:
    le document lui-même.


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    , Suisse Romande, 30 janvier 2001, Mise à jour: 30 janvier 2001
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