LETTONIE - RUSSIE, Traités et documents de base

DECLARATION DES 45 BALTES PROCLAMEE A MOSCOU AUX CORRESPONDANTS DE LA PRESSE DES PAYS DE L'OUEST LE 23 AOUT 1979,

Autre déclaration de dissidents:
  • 1972 gb : The 17 Latvian Communist Protest Letter

    DECLARATION DES 45 BALTES PROCLAMEE A MOSCOU AUX CORRESPONDANTS DE LA PRESSE DES PAYS DE L'OUEST LE 23 AOUT 1979, ET ADRESSEE AUX GOUVERNEMENTS DE
    L'Union des Républiques Soviétiques Socialistes
    La République Fédérale de l'Allemagne
    La République Démocratique de l'Allemagne
    Les Nations signataires de la Charte de l'Atlantique et
    Le Secrétaire Général de l'Organisation des Nations Unies.

    Le terme de " souveraineté nationale" dans la science juridique des Soviets embrasse le pouvoir suprême d'une nation, sa liberté politique, sa capacité de déterminer sa destinée, en premier lieu par sa capacité d'exercer son droit d'autodétermination y compris de se séparer d'un autre état et de créer son propre état indépendant. La souveraineté nationale est caractérisée par l'indépendance politique, territoriale, culturelle, linguistique d'une nation manifestée par l'exercice souverain du pouvoir législatif dans tous les domaines publics de la nation et par l'exercice du pouvoir exécutif.

    La souveraineté nationale ne peut pas être suppléée ni révoquée, mais elle peut être violée ou rétablie.

    En 1919, Lénine reconnut l'existence de facto de l'Estonie, de la Lettonie et de la Lithuanie, qui se sont séparées de l'Empire russe et ont proclamé leur indépendance. En 1920, la Russie Soviétique a conclu les traités de paix avec ces Etats et les a ainsi reconnus de jure. Au nom du Gouvernement Soviétique, Lénine " renonça, à tout jamais à tous les droits souverains " (de Russie) sur l'Estonie, la Lettonie et la Lithuanie.

    Pourtant, dix-neuf ans plus tard, Staline et Hitler ont conspiré contre la souveraineté de ces nations. Le 23 août de cette année marque le quarantième anniversaire de la signature du soi-disant Pacte Molotov-Ribbentrop qui a mis fin à l'indépendance de l'Estonie, de la Lettonie et de la Lithuanie.

    Le 23 août 1939, le Traité de non-agression fut conclu entre le Reich allemand et l'Union Soviétique. Attaché à ce pacte fut le Protocole additionnel secret relatif au partage de l'Europe de l'Est dans les zones d'influence. L'objet principal des négociations secrètes entre le Commissaire du Peuple aux Affaires étrangères de l'U.R.S.S., M. V. Molotov, et le ministre des Affaires étrangères de l'Allemagne, M. J. Ribbentrop, était la Finlande, l'Estonie, la Lettonie, la Lithuanie, la Pologne, la Bessarabie et le Boukovine du Nord. Et ledit protocole secret stipula que la Finlande, l'Estonie et la Lettonie seraient attribuées à l'U.R.S.S., et la Lithuanie à l'Allemagne.

    Le 28 septembre 1939, l'U.R.S.S. et l'Allemagne signèrent un Traité des Frontières et d'Amitié. Un autre protocole secret attaché à ce Traité modifia le premier protocole du 23 août 1939 dans le sens que la Lithuanie fut "confiée" à l'U.R.S.S. avec l'exception d'une bande de territoire lithuanien sur la rive gauche de la Sesupe qui, dans le cas où l'IJ.R.S.S. prendrait des " Mesures spéciales " en Lithuanie, serait occupée par l'Allemagne.

    Le moment des " Mesures spéciales " vint lorsque l'Armée rouge, sur les ordres du Gouvernement de l'U.R.S.S., occupa les territoires de l'Estonie, de la Lettonie et de la Lithuanie, y compris la bande de territoire lithuanien qui, en vertu du Protocole Staline-Hitler, devait être annexée à l'Allemagne.

    Le 10 janvier 1941, l'ambassadeur d'Allemagne en U.R.S.S., Dr. Von Schulenburg, et le Président du Conseil des Commissaires du Peuple, V. Molotov, signèrent un autre protocole secret par lequel ils résolurent la question de la bande susmentionnée de territoire lithuanien. Le Gouvernement allemand céda la bande du territoire Lithuanien sur la rive gauche de la Sesupe à l'U.R.S.S et comme compensation l'AIlemagne re�ut sept millions et demi de dollars en or, ou trente et un millions et demi de reichmarks. Le pacte Molotov-Ribbentrop fut une conspiration de deux des plus grands tyrans de l'histoire - Staline et Hitier - contre la paix et l'humanité, et inaugura la deuxième guerre mondiale. Nous considérons le 23 août 1939 comme un jour dc honte.

    Le 14 août 1941, le Président Roosevelt des Etats-Unis et le Premier Ministre W. Churchill de Grande-Bretagne signèrent la Charte de l'Atlantique. L'article 2 de la Charte déclarait que les Etats-Unis et l'Angleterre " n'approuvent aucun changement territorial qui ne concorde pas au désir des peuples concernés. " Et l'article 3 disait: " ils respectent le droit de tous les peuples de choisir la forme de gouvernement sous laquelle ils vivront, et ils désirent voir la souveraineté et l'indépendance restaurée à ceux qui en ont été dépouillés. " 1'U.R.S.S. a adhéré à la Charte le 24 septembre 1941.

    Et à ce moment-là l'Union Soviétique déclara: "L'Union Soviétique, dans sa politique étrangère, sera guidée par le principe de l'autodétermination des peuples... L'Union Soviétique est le champion des droits de tous les peuples pour l'indépendance politique et l'intégrité territoriale de leurs pays, et aussi du droit de créer l'ordre social et d'établir le gouvernement de leur choix, qu'ils trouvent propre et nécessaire afin de sauvegarder le bien-être économique et culturel de leur pays.

    Il est approprié de rappeler que, conformément au droit international, l'exercice de droit des peuples à l'autodétermination est impossible dans les pays avec des forces d'occupation présentes. Cette circonstance a été soulignée par Lénine dans l'Ordre de la Paix:

    " Si une nation est privée du droit de déterminer la forme de sa vie politique par un vote libre et n'est pas libérée de la présence des troupes d'un Etat occupant ou étranger, et est sous la moindre pression une telle union de l'Etat avec un Etat étranger est une annexion, c'est-à-dire, une occupation par la force et la violence. "

    Les effets de l'infâme accord de' Munich du 29 septembre 1938 furent effacés par le fait de la défaite militaire de l'Allemagne pendant la deuxième guerre mondiale. Le Gouvernement de la République Fédérale d'Allemagne, sur l'insistance de la Tchécoslovaquie, dénonça le Pacte de Munich comme nul et non avenu au moment de la signature.

    Pourtant le Pacte Ribbentrop-Molotov, apparemment, est toujours en vigueur juridique. Il nous para�t que le silence de l'opinion publique du monde entier encourage les agresseurs du passé, du présent et de l'avenir.

    Par conséquent, nous nous adressons aux:

    - Gouvernement de l'U.R.S.S. et demandons de publier les textes complets du Pacte Ribbentrop-Molotov et tous les protocoles secrets attachés à ce Pacte. Nous rappelons que dans le Décret de Paix de Lénine le Gouvernement Soviétique renonça à la diplomatie secrète. Nous demandons aussi de déclarer le Pacte Ribbentrop-Molotov comme nul et non avenu dès la date de sa signature;

    - Gouvernements de la République Fédérale de l'Allemagne et de la République Démocratique de l'Allemagne en demandant de déclarer le Pacte Ribbentrop-Molotov comme nul et non avenu dès sa signature, et d'aider le Gouvernement de l'U.R.S.S. à liquider les conséquences et les effets dudit Pacte - c'est-à-dire, de retirer les forces militaires étrangères des territoires des Etats baltes. Afin d'exécuter cette tâche, une Commission spéciale devrait être constituée, composée de représentants de l'U.R.S.S., de la République Fédérale de l'Allemagne et de la République Démocratique de l'Allemagne ayant pour but de liquider les conséquences du Pacte Ribbentrop-Molotov;

    - Gouvernements des pays signataires de la Charte de l'Atlantique et leur demandons que, de leur position de responsabilité morale, ils expriment leur condamnation décisive du Pacte Ribbentrop-Molotov et de ces conséquences. Nous voudrions rappeler que, conformément au droit international, les actes, qui par leur nature et but constituent une menace pour la paix et la sécurité, ne sont pas les affaires du domaine intérieur d'un Etat, et qu'ils violent les normes internationales universellement reconnues. Le principe de l'autodétermination des peuples et des nations impliquent la légalité et la justification des formes et des méthodes variées dans la lutte contre le colonialisme qui est, en fait, un crime international. Tout cela est en relation avec la légalité du support international pour la lutte de la libération nationale. En plus, conformément au droit international, chaque Etat est obligé de coopérer en accordant de l'aide aux actions concertées et individuelles pour réaliser le principe de l'égalité et de l'autodétermination.

    - Secrétaire Général de l'Organisation des Nations Unies en lui rappelant que cette Organisation est le successeur direct de la Société des Nations dont l'Estonie, la Lettonie et la Lithuanie étaient membres jusqu'au moment où les " mesures spéciales " furent prises dans leur pays par l'Union Soviétique et l'Allemagne nazie. Donc, Monsieur le Secrétaire Général, la responsabilité légale pour la destinée de ces pays repose sur vous. Nous vous prions de soulever la question de la liquidation des conséquences du Pacte Molotov-Ribbentrop à la prochaine session de l'Assemblée Générale de l'Organisation des Nations Unies.

    Le principe de l'autodétermination est un élément intégral du droit international contemporain. Il est inclus dans la Charte de l'Atlantique, dans la Déclaration sur l'indépendance des pays coloniaux du 14 décembre 1960, dans la Résolution de l'Assemblée du 20 décembre 1965 reconnaissant la légalité de la lutte des pays coloniaux, dans la Convention Internationale sur l'abolition de toutes les formes de discrimination raciale du 21 décembre 1965, dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 16 décembre 1966, et dans la Déclaration des Principes de Droit International du 24 octobre 1970. Ces actes susmentionnés et d'autres actes légaux de l'Organisation des Nations Unies révèlent l'ensemble des principes contemporains d'égalité des droits des peuples et d'autodétermination des nations. C'est-à-dire:

    - Le droit de tous les peuples de former librement leur destinée dans des conditions de liberté complète pour aider leur statut politique intérieur et extérieur sans l�ingérence étrangère, ainsi que le droit d'avancer leurs développements politique, économique, social et culturel;

    - Le droit de tous les peuples de jouir de leurs richesses et de leurs ressources naturelles;

    - Le devoir de tous les Etats de coopérer par des actions collectives et indépendantes à la réalisation et à l'exécution des principes d'égalité et d'autodétermination des peuples en accord avec les stipulations de la Charte de l'Organisation des Nations Unies;

    - L'égalité et le droit d'autodétermination sont énoncés comme des principes des plus importants dans l'Acte final d'Helsinki de la Conférence sur la Sécurité et sur la Coop�ration en Europe.

    Comme vous le savez, Monsieur le Secrétaire, les documents internationaux susmentionnés, tous obligatoires, sont encore violés par certains Etats membres de l'Organisation des Nations Unies. Nous voulons que la prochaine session de l'Assemblée Générale de l'Organisation des Nations Unies considère la question de la situation de l'Estonie, de la Lettonie et de la Lithuanie dans la mesure où les peuples de ces pays sont privés du droit et de la possibilité de décider de leur destinée.

    Le 23 août 1979.

    Quarante-cinq signatures suivent:
    Romas Andrijauskas, Stase Andrijauskiene, Alfonsas Andriukaitis, Edmundas Bartuska, Vytautas Bastys, Vytautas Bogusis, Rev. Vladas Bobinas, Romas Vitkevicius, Jonas Volungevicius, Jonas Dambrauskas. Jonas Eisvydas, Rimas Zukauskas, Ivars Zukovskis, Alfreds Zaideks, Juris Zamelis, Liutauras Kazakevicius, Leonas Laurinskas, Rimas Mazukna, Rev. Mocius, Mart Niklus. Rev. Napoleonas Norkunas, Sigitas Paulavicius, Angele Paskauskiene, Kestutis Povilaitis, Jadvyga Petkeviciene, Jonas Petkevicius, Jonas Protusevicius, Sigitas Randis, Endel Ratas, Henrikas Sambore, Julius Sasnauskas, Leonora Sasnauskaite. Algis Statkevicius, Kestutis Subacius, Enn Tarto, Antanas Terleckas, Erik Udam, Ints Calitis, Petras Cidzikas, Arvydas Cekanavicius, Vladas Sakalys, Jonas Serksnas, Zigmas Sirvinskas, Mecislovas Jurevicius, Rev. Virgilijus Paugelis.

    L'EMINENT PHYSICIEN ET PRESIDENT DES DISSIDENTS SOVIETIQUES, ANDRE SAKHAROV, ET QUATRE MEMBRES DU GROUPE SOVIETIQUE POUR LA SURVEILLANCE DE L'APPLICATION DE L'ACTE D'HELSINKI ONT APPORTE LEUR SOUTIEN A L'APPEL BALTE PAR LA DECLARATION SUIVANTE:

    Les Républiques Baltes - la Lithuanie, l'Estonie et la Lettonie - ont été annexées à l'U.R.S.S. à la suite d'une occupation militaire et sans tenir compte de la volonté des populations concernées.

    Reconnaissant les principes d'égalité et d'autodétermination des nations, respectant le droit de tous les peuples de déterminer librement leur destinée, nous considérons que dans la présente situation historique, la question de l'autodétermination de la Lithuanie, de la Lettonie et de l'Estonie doit être décidée au moyen d'un référendum dans chacun de ces pays et dans des conditions sauvegardant la libre expression de la volonté du peuple.

    Nous soutenons l'appel des représentants de la Lithuanie, de l'Estonie et de la Lettonie pour que soit examinée la violation du droit des peuples de ces pays à l'autodétermination et à décider, d'une manière indépendante et libre, de leur propre destinée.

    Le 23 août 1979.

    Signatures:
    Malva Landa Victor Nakipleov Tatiana Velikanova Shakarov Arina Ginzburg

    Source:
    cit� dans KASLAS Bronis, La Lithuanie et la Seconde guerre mondiale, Ed. G.-P. Maisonneuve et Larose, Paris 1981, p.347


    Commentaires:


  • , Suisse Romande, 30 novembre 2000 Mise à jour: 25 mars 2001
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