1947 gb :
Appeal
of the Representatives of the Baltic Nations to the General Assembly of the United
Nations, November 24, 1947
La Nation lettone doit-elle périr?
Un appel urgent du Conseil National Letton au monde civilisé
1. Le complot Hitler - Staline contre la Pologne et les Etats baltes
(Estonie, Lettonie et Lithuanie)
Le Tribunal militaire international à Nuremberg et les documents publiés
par le département d'Etat des Etats-Unis d'Amérique concernant les
relations soviéto-nazies de 1939 à 1941 ont établi que le but
direct du Traité d'amitié et de non-agression conclu à Moscou
entre l'Allemagne et l'Union Soviétique, le 23 août 1939, ainsi que de
ses protocoles secrets, a été la conquête de pays étrangers
et le partage de ces pays entre les deux conquérants. La Pologne et les Etats
Baltes - Estonie, Lettonie et Lithuanie - ont été choisis comme les
premières victimes.
Les désaccords des Alliés après la première guerre mondiale
et leur grande patience ont permis à Hitler de construire son appareil de guerre,
de sorte qu'après la signature du traité avec Moscou, il inaugura une
nouvelle tactique. Encouragé par les succès précédents,
Hitler était convaincu que la France et la Grande-Bretagne céderaient de
nouveau et qu'elles ne voudraient pas s'aventurer à risquer la guerre contre
l'Allemagne à cause de la Pologne. C'est pour cette raison que, s'étant
assuré les mains libres à l'Est de l'Europe par son traité, il a mis
en marche son armée le 1er septembre 1939.
Pour terminer ses préparatifs d'agression, l'armée soviétique avait
besoin de beaucoup plus de. temps, et Staline a été en état de faire
la guerre, à côté d'Hitler, seulement vers le 17 septembre 1939. La
résistance de la Pologne étant brisée par les troupes nazies d'Hitler,
les armées rouges soviétiques de Staline ont facilement occupé le
territoire polonais attribué aux Soviets par le Traité de Moscou du
23 août 1939.
Après avoir réglé le sort de la Pologne à leur manière,
les deux conspirateurs tournèrent leurs armés contre les Etats
Baltes - Estonie, Lettonie et Lithuanie. Pour arriver à ses fins et avant que
Moscou ait mis la main sur ces Etats, Hitler avait pour but immédiat de faire
évacuer de l'Estonie et de la Lettonie le petit groupe d'habitants allemands connus
sous le. nom de Volksdeutsche (3,1 % en Lettonie). Staline, ayant l'intention
d'incorporer les Etats Baltes dans l'Union Soviétique par des moyens
détournés, leur demanda de conclure des pactes d'assistance mutuelle,
soi-disant pour la défense commune. Moscou appuyait ses exigences par la
concentration de forces considérables de l'armée rouge à
proximité de la frontière des Etats Baltes. Se trouvant devant de telles
menaces et sans aucune aide extérieure, les gouvernements de Lettonie, d'Estonie
et de Lithuanie, tout en étant neutres, n' avaient d'autre choix que de signer
ces pactes.
Ainsi à l'aide des baοonnettes et des canons; l'Union Soviétique a
imposé à la Lettonie, à l'Estonie et à la Lithuanie, pays
pacifiques, démocratiques et neutres, des pactes d'assistance mutuelle en dépit
de leurs protestations et de leurs proclamations officielles de neutralité, faites
déjà au moment de l'invasion de la Pologne par les troupes allemandes, et
malgré les engagements formels et les déclarations officielles du gouvernement
soviétique au sujet de l'inviolabilité de la souveraineté et de
l'indépendance des Etats Baltes, formellement reconnues par les Soviets.
Les clauses déshonorantes de ces pactes d'assistance mutuelle imposaient à la
Lettonie, à l"Estonie et à la Lithuanie de tolérer dans les points
stratégiques les plus importants de leurs pays des forces soviétiques
armées et d'admettre l'installation de bases soviétiques navales,
aériennes et d'artillerie côtière.
Tout cela se passait en un temps où les relations entre la Lettonie et l'Union
Soviétique étaient déjà définitivement
réglées par les différents traités et conventions conclus entre
ces deux pays, parmi lesquels les plus importants sont les suivants:
1. Traité de paix du 11 août 1920
Selon les dispositions de ce traité, l'U.R.S.S. reconnaît
l'indépendance et la souveraineté de l'Etat letton sans aucune objection et
renonce pour toujours à tous les droits souverains sur la Nation lettone et sur son
territoire, droits souverains usurpés pendant deux siècles par les
gouvernements de l'empire des tsars russes.
L'article 2 de ce traité stipule:
La Russie reconnaît sans aucune réserve l'indépendance et la
souveraineté de l'Etat letton et renonce volontairement et irrévocablement
à tous les droits souverains qui ont appartenu à la Russie sur le peuple et le
sol lettons, en raison du droit constitutionnel existant jusqu'alors, aussi bien qu'en raison
des traités internationaux, lesquels, dans le sens indiqué ici, perdent leur
force pour l'avenir. De l'état antérieur de sujétion à la Russie
il ne découle pour le peuple et le sol lettons aucune obligation vis-à-vis de
la Russie. - (S. D. N., Recueil des Traités, vol. Il, 1920-21).
Pour sauvegarder sa souveraineté et son indépendance, acquises après
tant de lourdes pertes et sacrifices pendant de longues luttes pour sa liberté, la
Lettonie cherchait toujours à éviter tout malentendu et tout conflit avec sa
grande voisine et, dans ce but, elle a conclu différents traités politiques et
économiques avec l'Union Soviétique, accordant à cette dernière
de grands avantages spéciaux.
2. Traité de non-agression.
Le 5 février 1932, la Lettonie a conclu un Traité de non--agression avec
l'Union Soviétique, valable pour trois ans. Le 4 avril 1934, la validité de
ce traité a été prorogé jusqu'à l'année 1946.
Conformément à ce traité, les deux parties contractantes
s'engageaient :
Article premier. - A s'abstenir de tout acte de violence contre l'intégrité
et l'inviolabilité territoriale ou contre l'indépendance politique de l'autre
partie contractante, qu'une telle agression ou tel acte de violence soit entrepris
séparément ou de concert avec d'autres puissances, avec ou sans
déclaration de guerre.
Article 2. - De ne participer à aucune convention, à aucun accord,
de ne prendre part à aucun traité militaire ou politique dirigé contre
l'indépendance, intégrité territoriale ou la sécurité
politique de l'autre partie, ou aux traités, conventions et accords ayant pour but
le boycottage économique et financier des deux parties contractantes.
En outre, les deux parties contractantes s'engagent à régler tous leurs
conflits, quels que soient leur raison et leur caractère, par la procédure
de conciliation; au cas où elles n'arriveraient à aucun accord en temps voulu,
un comité mixte de conciliation devrait se réunir et statuer à cet
effet.
3. Une convention relative à la procédure de conciliation
a été signée le 18 juin 1932, fixant la procédure prévue
par le Pacte de non-agression.
4. Protocole Litvinov
Entièrement dévouée à la cause de la paix et animée
d'une très ferme volonté de demeurer bon voisin, la Lettonie a signé,
conjointement avec l'Estonie, la Pologne et la Roumanie, le 9 février 1929, avec
l'Union Soviétique, un protocole, dénommé Protocole Litvinov. Par
ce protocole, il a été convenu d'appliquer, dans les relations mutuelles
des pays signataires du protocole, le Traité de Paris du 27 août 1928,
appelé Pacte Kellogg-Briand , sur la renonciation à la guerre, avant que
ce pacte soit entré en vigueur pour 1es autres parties contractantes.
Conformément à ce pacte, les parties contractantes déclarent
solennellement, au nom de leurs peuples respectifs, qu'elles condamnent le recours
à la guerre pour régler les différends internationaux et le
désavouent en tant qu'instrument de politique nationale dans leurs relations
mutuelles. Les parties signataires sont d'accord pour que l'arrangement ou la solution
de toutes les divergences et tous les conflits, de quelque nature ou de quelque origine
que ce soit, qui peuvent survenir entre eux, ne soient jamais réglés autrement
que par des moyens pacifiques.
5. Convention de définition de l'agression.
Pour développer davantage leurs relations avec l'U.R.S.S., la Lettonie,
l'Estonie; la Pologne, la Roumanie, la Turquie et l'Afghanistan ont signé,
le 3 juillet 1933, une convention spéciale définissant l'agression et
l'agresseur. Conformément à cette convention, un Etat doit être
considéré comme agresseur s'il se livre le premier à l'un des actes
suivants
1. Déclarer la guerre à un autre Etat;
2. Envahir par ses propres forces armées le territoire d'un autre Etat en ayant
déclaré la guerre ou sans déclaration de guerre; -
3. Attaquer par ses forces terrestres, navales ou aériennes, ayant
déclaré la guerre ou sans déclaration de guerre, le territoire,
les navires ou forces aériennes d'un autre Etat;
4. Entreprendre le blocus naval des côtes ou des ports d'un autre Etat;
5. Approvisionner de vivres des bandes armées formées clandestinement sur
son propre territoire, ainsi que celles qui ont envahi le territoire d'un autre Etat ou,
malgré la demande de ce susdit Etat, refuser d'entreprendre en son territoire
toutes les mesures en son pouvoir pour priver ces bandes de toute assistance ou
protection.
Aucune convention d'ordre politique, militaire, économique ou autre ne pourra
servir d'excuse ou de justification à l'agression.
6. Pacte d'assistance mutuelle
Signé à Moscou le 5 octobre 1939-. Par ce pacte même, qui fut
imposé par l'Union Soviétique à la Lettonie; le gouvernement
soviétique reconnaissait que le Traité de Paix du 11 août 1920,
ainsi que les traités et les conventions 'mentionnés plus haut, sont
les fondements inébranlables sur lesquels se basent les relations entre ces
deux Etats indépendants.
En effet, les dispositions de ce pacte stipulent:
Article IV. - Les deux parties contractantes s'engagent à ne pas conclure
d'alliances et à ne pas participer à des coalitions dirigées
contre l'une des deux parties contractantes.
Article V. - La mise en vigueur du présent pacte ne portera aucune atteinte
aux droits souverains des parties contractantes, notamment en ce qui concerne leur
structure politique, leur régime économique et social, ainsi que leurs
mesures d'ordre militaire.
Contrairement à ces traités, qui tous furent déposés
à la Société des Nations, à Genève, l'Union
Soviétique, sans aucune justification valable et en flagrante violation des
principes des lois internationales, présentait en juin 1940 à la Lettonie
et aux deux autres Etats Baltes - Estonie et Lithuanie - des ultimata à courte
échéance.
Chacun des ultimata demandait
a) de remplacer les gouvernements existants aux Pays Baltes par des gouvernements
soumis à Moscou;
b) de laisser entrer dans chacun des Etats Baltes des forces militaires
soviétiques illimitées pour assurer l'exécution du Pacte
d'assistance mutuelle.
Ni la Lettonie, de son côté, ni les deux autres Etats Baltes - Estonie et
Lithuanie - n'ont jamais violé une obligation quelconque que leur imposait le
Pacte d'assistance mutuelle. La politique malhonnête de l'Union Soviétique
à l'égard des Etats Baltes a été clairement
démontrée par le fait que, contrairement aux obligations qu'elle avait
assumées avant la conclusion du susdit pacte, l'Union Soviétique avait
déjà fait un accord avec l'Allemagne concernant les sphères
d'influence de ces deux puissances dans les Etats Baltes, ainsi que visant à
l'annihilation de l'indépendance de ces Etats.
En occupant les Etats Baltes militairement, sans être provoquée par eux,
l'Union Soviétique a commis un acte non provoqué d'agression contre la
Lettonie, l'Estonie et la Lithuanie, violant les obligations de ce même
traité qu'elle avait auparavant proposé et dont elle avait volontairement
assumé l'exécution des clauses.
La maxime de la première guerre mondiale que les traités signés
n'étaient rien d'autre que des chiffons de papier a été
entièrement adoptée par les bolcheviks, de propos
délibéré, et appliquée pratiquement par l'invasion de la
Pologne et des Etats Baltes, durant le pont aérien de Berlin et en bien
d'autres occasions.
Tout cela confirme à nouveau le fait que, selon les conceptions de l'Union
Soviétique, les traités dûment signés sont des chiffons
de papier sans aucune valeur. Les bolcheviks se moquent des traités et leur
donnent seulement quelque valeur transitoire quand il s'agit de les appliquer pour
des motifs tactiques, inspirés par le moment et les circonstances.
L'invasion des Etats Baltes par l'Union Soviétique a causé une profonde
indignation au monde civilisé entier, et les Etats-Unis d'Amérique ont
condamné cet acte de violence par la déclaration de ce Gouvernement en
date du 23 juillet 1940, dont voici le texte:
Durant ces derniers jours, les procédés détournés par
lesquels l'indépendance politique et l'intégrité territoriale des
trois petites Républiques Baltes - Estonie, Lettonie et Lithuanie - devaient
être anéanties par un de leurs plus puissants voisins se rapprochent
rapidement de leur conclusion.
Depuis le jour où les peuples de ces Républiques ont obtenu pour la
première fois leur indépendance et un gouvernement démocratique,
le peuple des Etats-Unis a suivi avec une profonde sympathie leurs admirable
progrès dans l'autonomie politique.
La politique de ce gouvernement est universellement connue. Le peuple des Etats-Unis
est opposé aux procédés de spoliation, qu'ils soient
appliqués par la force ou sous la menace de la force; il est de même
opposé à toute forme d'intervention de la part d'un Etat, quelle que
puisse être sa force, dans les affaires intérieures de n'importe quel
autre Etat, quelle que soit sa faiblesse.
Ces principes constituent les véritables fondements sur lesquels se basent
les relations existant entre les 21 Républiques du Nouveau Monde.
Les Etats-Unis continueront à adhérer à ces principes à
cause de la conviction du peuple américain que, en dehors de la doctrine
régissant les relations internationales et à laquelle ces principes
sont inhérents, il est impossible de sauvegarder le règne de la raison,
de la justice et de la légalité, autrement dit les bases de la
civilisation moderne tout entière.
Le gouvernement des Etats-Unis est resté fidèle aux nobles principes
énoncés dans la déclaration de 1940. Comme preuves, nous ne
citerons que les actes officiels, signés le 28 mai 1947 par le Ministre des
Affaires étrangères de cette période, M. George Marshall,
déclarant que le gouvernement des Etats-Unis continue à ne pas
reconnaître l'incorporation de la Lettonie dans 1'Union Soviétique et
constatant que le gouvernement américain reconnaît M. A. Bilmanis comme
ministre plénipotentiaire de Lettonie, dûment accrédité
auprès du gouvernement américain. Le point de vue du Cabinet de
Washington est exprimé dans ces documents expressis verbis . -
Par ailleurs, le 3 juin 1951, à l'occasion de l'inauguration des
émissions radiophoniques en langue lettone de la Voix de l'Amérique ,
destinées au peuple letton se trouvant réduit à l'esclavage
dans son propre pays au delà du Rideau de Fer par l'occupant soviétique,
le Vice-Ministre des Affaires étrangères des Etats-Unis d'Amérique,
par son allocution inaugurale et par la déclaration officielle
réitérée dé son Gouvernement, faite le 23 juillet 1940, a
affirmé à nouveau et a fait savoir au monde entier, au nom du peuple et
du Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique, que la susdite déclaration et
les principes fondamentaux de la politique des Etats-Unis exprimés dans la
déclaration de 1940 sont toujours en vigueur et que les Etats-Unis n' ont pas
reconnu la prétendue incorporation de la Lettonie dans l'Union Soviétique,
mais continuent a reconnaître officiellement les représentants diplomatiques
et consulaires de la Lettonie indépendante, accrédités auprès
du Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique.
De son côté, à la même occasion, M. O.K.Armstrong, membre
éminent de la Chambre des Représentants des Etats-Unis, a
déclaré au nom de ses collègues que le Congrès
américain est prêt à faire tout ce qui est en son pouvoir pour
aider à rétablir la liberté et l'indépendance de la Lettonie
et que les membres du Congrès n 'oublieront jamais la déclaration de leur
gouvernement disant que la politique des Etats-Unis d'Amérique consiste à
ne reconnaître jamais l'oppression des peuples libres; ceci se rapporte aussi au
peuple letton.
Nous sommes persuadés, a-t-il déclaré, que le temps viendra
où la liberté et l'indépendance du peuple letton seront
rétablies.
II Bolchévisation de la Lettonie
Les faits récents et ceux du passé ont indéniablement
confirmé cette vérité que le problème de la liberté
et de l'indépendance des Etats Baltes - Estonie, Lettonie et Lithuanie - est,
en même temps, le problème de la liberté de la mer Baltique et de
l'équilibre de l'Europe Centrale et Orientale. De plus, le problème des
Etats Baltes est d'abord un problème essentiellement européen et aussi
international; il intéresse la vie, la culture et la structure politique de la
vieille Europe. Il touche également à l'existence de la civilisation
européenne occidentale en général, car les Etats Baltes sont les
avant-postes et les gardiens de cette civilisation dans le Nord-Est de l'Europe,
civilisation à l'anéantissement de laquelle l'impérialisme
expansif et destructif soviéto-communiste russe travaille chaque jour ; à
ce titre, les Lettons, les Estoniens et les Lithuaniens ont déjà rendu
à l'Europe, dans le passé, d'incalculables services en barrant la route
à l'invasion barbare venant de l'Est et en arrêtant à l'Ouest la
poussée teutonique.
En mettant la main sur ces Etats, le gouvernement soviétique a fait de la mer
Baltique un lac russe soviétique et s'est servi et se sert encore de leurs
territoires pour les aménager en tremplin et en bastions orientaux d'une
agression soviétique contre l'Occident. L'attaque du 8 avril 1950, partie du
territoire letton et exécutée par les chasseurs militaires
soviétiques contre un avion américain non armé confirma
à nouveau cette vérité.
Puisque les Etats Baltes sont aussi de considérables et indispensables
producteurs de denrées alimentaires et de produits agricoles pour l'Occident,
l'indépendance de ces Etats a une signification très importante par sa
valeur propre. En conséquence, le problème des Etats Baltes ne doit
recevoir ni une solution russe, ni une solution germanique, mais une solution
européenne et internationale, car ils doivent, avant tout, demeurer libres non
seulement pour leur propre bien-être, mais encore pour celui de l'Europe
Occidentale.
Pour exécuter le plan d'agression contre la Lettonie, conçu par le
gouvernement de l'U.R.S.S., Staline choisit, dans ce but, le camarade André
Vichinsky comme plénipotentiaire spécial.
La Tribune de Genève , dans son numéro du 29 décembre 1949,
a publié une description du voyage clandestin en Lettonie de M. Vichinsky,
actuellement ministre des Affaires étrangères de l'Union
soviétique.
Précédant les armées rouges d'occupation et camouflé en
courrier diplomatique de l'U.R.S.S. et muni de faux passeports, il s'envola du
Kremlin sur un bombardier vers la Lettonie, - où il débarqua
secrètement, en juin 1940, sur l'aérodrome militaire soviétique
que le gouvernement letton, sous les menaces du gouvernement soviétique, avait
été obligé de céder à bail à l'U.R.S.S.
Il employa, de connivence avec le ministre de l'U.R.S.S. en Lettonie, le laps de temps
qui s'écoula entre son arrivée clandestine et l'invasion des troupes
soviétiques à préparer cet événement.
Après l'occupation de la Lettonie par l'armée rouge, André
Vichinsky, plénipotentiaire spécial de Moscou, et Dereviansky,
envoyé de l'U.R.S.S. en Lettonie, établissent un gouvernement de
véritables marionnettes, obéissant aux plans à longue vue de
l'U.R.S.S. et imposé par l'occupant soviétique à la Lettonie.
La première tâche de ce pseudo-gouvernement fut d'organiser de nouvelles
élections au Parlement letton.
L'article 6 de la Constitution de Lettonie dit que le Parlement doit être
élu par le suffrage universel, égal, direct, secret et proportionnel.
Cette disposition essentielle de la Constitution fut complètement
ignorée par le gouvernement fictif imposé à la nation
lettone par l'U.R.S.S. Aucun parti politique, excepté celui des communistes
(qui n'avait jamais jusqu'alors joui de popularité en Lettonie et dont
l'effectif, au moment de l'invasion soviétique, n'atteignait que quelques
centaines de membres), n'était autorisé à continuer son
activité et à participer aux élections avec sa liste dé
candidats. Toutes les tentatives pour assurer des élections
démocratiques, exprimant la volonté de la nation, furent
opprimées sans merci et les élections furent organisées et
exécutées selon l'ordre de l'U.R.S.S. et par ses agents, selon les
ordres reçus de Moscou. Les occupants prirent des mesures afin que seulement
une liste unique, toujours dictée par Moscou, fût présentée
aux élections. Aucune réunion électorale, aucune liberté
de parole n'étaient admises, sauf pour le parti communiste. Toute la presse
était aux mains des occupants et écrivait exclusivement en accord avec
leurs intérêts. Et il faut souligner que les votants étaient
obligés de remettre leurs bulletins de vote non dans une enveloppe
fermée, mais ouvertement.
La nation n'avait même pas la possibilité de boycotter les
élections. Les passeports des votants furent marqués d'un cachet et
les personnes dont le passeport ne portait pas cette empreinte étaient soumises
à des persécutions. Après un vote tellement contraire à
toutes les règles de la démocratie, exécuté sous une
pression brutale, appuyé par les baοonnettes et les chars de l'armée
rouge, les seuls candidats nommés par le gouvernement soviétique russe
furent proclamés élus par un nombre de votes incontrôlable. -
Les commissaires bolchévistes imposaient aux comités de suffrage des
résultats fictifs des élections, avant même que celles-ci aient
eu lieu, ainsi que les données des rapports à présenter
à la suite de ces élections.
Le nombre de votes exprimés en Lithuanie était publié dans
la presse étrangère par l'agence officielle soviétique
Tass vingt-quatre heures avant que les comités locaux aient
rapporté les résultats du scrutin ! Cela prouve avec évidence
que -les instructions reçues de Moscou fixaient d'avance les résultats
de cette comédie électorale.
Lors de sa première réunion, le 21 juillet 1940, ce Parlement factice,
mis en scène par les moyens susdits procédait en grande hâte
à la tâche de liquider la République démocratique de
la Lettonie indépendante. Deux résolutions très importantes
furent adoptées hâtivement et sans débats, à savoir
1. La suppression de la démocratie et l'introduction du régime
soviétique en Lettonie, et
2. l'abolition de l'indépendance de la Lettonie et l'intégration de
celle-ci à l'U.R.S.S.
Il est révélateur qu'en même temps des résolutions
pareilles furent adoptées par les faux parlements installés par
les occupants soviétiques en Estonie et en Lithuanie. Cela prouve que ces
décisions furent dictées par Moscou. De plus, il est établi
que les représentants officiels de l'U.R.S.S. choisirent parmi les membres
de ces parlements fictifs les personnes devant prendre la parole et que le texte
de leurs discours fut composé dans les légations de l'U.R.S.S. aux
Etats Baltes par les agents soviétiques, censuré par Vichinsky et
Dereviansky et ensuite envoyé à Moscou pour approbation.
L'article 77 de la Constitution de Lettonie précise sans équivoque
que, dans le cas où le Parlement letton modifierait les paragraphes 1, 2, 3
ou 6 de la Constitution, ces changements, pour devenir valables, devraient
être plébiscités. Les résolutions votées en
Lettonie par le parlement fictif, le 21 juillet 1940, étaient en pleine
contradiction avec l'article premier, statuant que la Lettonie est une
République démocratique indépendante , et avec l'article 2,
disant que le pouvoir souverain de l'Etat letton est détenu par le peuple
de Lettonie , ainsi qu'avec l'article 3, fixant les frontières du
territoire national de la Lettonie. En conséquence, conformément
à l'article 77 de cette Constitution, un plébiscite aurait dû
avoir lieu; mais aucun plébiscite ne fut organisé en Lettonie par les
occupants soviétiques.
Ainsi donc, les deux décisions susmentionnées sont illégales
et anticonstitutionnelles et ne lient nullement la nation lettone.
Le gouvernement de l'Union Soviétique a toujours prétendu que
l'incorporation des Etats Baltes à l'Union Soviétique a eu lieu
seulement après un vote des citoyens de ces Etats tendant à ce but.
Mais comme il est évident, par ce qu'on vient d'exposer, qu'un tel suffrage
n'a jamais légalement eu lieu dans ces pays, il faut constater que la
soi-disant incorporation dans l'Union Soviétique des Etats Baltes - Estonie,
Lettonie et Lithuanie - est un acte de violence et d'agression de la part de
l'U.R.S.S. contre ces Etats.
III Sous la botte de l'occupant
A. - La première occupation bolchéviste
Le gouvernement établi en Lettonie par Moscou s'empressa de ruiner
complètement la vie économique et sociale du pays. Toute la
propriété foncière, les usines, banques, entreprises
commerciales, bateaux, immeubles des villes et capitaux furent nationalisés
sans compensations. Parallèlement à cette spoliation, le
système politique soviétique et un régime d'esclavage, avec
toutes ses cruautés et atrocités, furent introduits en Lettonie. -
La première période de la dictature communiste dura seulement un an.
Pendant cette période, le nombre des citoyens lettons emprisonnés,
tués et déportés en Sibérie dépasse, selon les
données enregistrées, 34.000, sur une population totale de 2 000 000.
Mais, comme toutes les disparitions ne furent ni signalées aux
autorités compétentes, ni enregistrées, les pertes
réelles de la population furent beaucoup plus importantes que les chiffres
cités ci-dessus.
Les premiers qui subirent ces persécutions furent les fonctionnaires du
service public, l'état-major de l'armée, les officiers
supérieurs, la police et les intellectuels. Ni les paysans et les ouvriers,
ni les femmes et les enfants ne furent épargnés. Ceci est
confirmé par les documents officiels présentés au
président de l'Assemblée générale de l'O.N.U. par les
représentants de la Lettonie, de l'Estonie et de la Lithuanie, le 24 novembre
1947. Les représailles en masse contre la population du pays furent
commencées le 13-14 juin 1941; pendant une seule nuit environ 15.000 personnes
furent arrêtées et déportées pour les travaux forcés,
de la manière la plus inhumaine.
Suivant les plans du N.K.V.D., trouvés par la suite, des milliers d'hommes,
femmes et enfants lettons devaient suivre. Mais la guerre avec l'Allemagne, qui
éclata le 22 juin 1941, déjoua pour l'instant les plans d'extermination
bolchéviste en Lettonie.
B. - L'occupation allemande nazie
La première période d'occupation bolchéviste de Lettonie fut
suivie par l'occupation allemande nazie. Le peuple letton espéra
qu'après l'expulsion des bolcheviks, il allait retrouver son
indépendance et recouvrer aussi ses droits civils, dont les citoyens lettons
avaient été privés par les Russes. Mais les premiers
décrets des occupants allemands mirent en évidence que ces espoirs
étaient vains.
Les autorités d'occupation nazie maintinrent en Lettonie les décrets
de nationalisation proclamés par les bolcheviks; ils firent cela dans le
dessein de garder pour eux la partie la plus importante de la propriété
nationalisée. Toutes les entreprises et institutions importantes furent prises
en charge par des sociétés allemandes récemment fondées.
D'importantes prérogatives juridiques et fiscales leur furent accordées.
Simultanément, l'activité des entreprises lettones qui continuaient
à travailler fut entravée de toutes les manières. L'intention
des nazis était évidemment de supprimer toute entreprise lettone.
Les cultivateurs lettons sentaient le fardeau de l'occupation peut-être
même plus que les commerçants ou les industriels. Ils étaient
chargés d'impôts extrêmement lourds, ainsi que d'obligations et
de corvées qu'ils ne pouvaient exécuter qu'au prix des plus grands
efforts. Pour tout manquement, même partiel, les fermiers étaient
punis. On les dépossédait même des propriétés
héritées. Pour les produits livrés, ils étaient
payés à un taux dérisoire. Ces exemples montrent suffisamment
que toutes les classes de la population lettone furent réduites au niveau
de parias.
Une des ordonnances les plus cruelles des occupants nazis etait celle de la
déportation des Lettons et des Lettones en Allemagne pour les travaux
militaires. Des dizaines de milliers étaient atteints par cette mesure.
Plus désastreux encore était l'ordre de conscription des jeunes
Lettons pour la dite Légion lettone et d'autres formations
allemandes techniques.
Pour dissimuler cette violation flagrante de la Convention de La Haye, laquelle
interdit de mobiliser la population des pays occupés pour des buts
militaires, la conscription était camouflée sous l'apparence
d'engagements volontaires. En réalité, tout était fait par
contrainte, de la même manière qu'en Alsace et en Lorraine, lors
de l'occupation, en 1940, de ces provinces françaises par les Allemands
nazis, qui y proclamèrent la mobilisation générale et
envoyèrent les conscrits au front de l'Est. Les conscrits qui ne se
présentaient pas aux centres de mobilisation ou essayaient de
résister de quelque manière que ce soit étaient
arrêtés et jugés par les tribunaux militaires des occupants.
De cette façon, les contingents de vingt-huit années ont
été mobilisés, ainsi que de jeunes garçons pour la
défense antiaérienne.
Il ne s'agissait plus de rétablir l'indépendance du pays,
supprimée par les bolcheviks. Le Tribunal militaire international de
Nuremberg a démontré que Rosenberg projetait de transférer
les peuples estonien, letton et lithuanien plus loin vers l'Est, en vue d'obtenir
de l'espace vital pour la colonisation allemande.
Les nazis s'opposèrent à tout ce qui rappelait l'existence de l'Etat
letton et tâchèrent d'extirper toute notion d'indépendance que
les Lettons pouvaient conserver dans leur coeur. Dans la presse et dans les actes
officiels, ils évitèrent même d'employer le mot letton et
le remplacèrent par le mot einheimîscher ou indigène .
Beaucoup d'hommes politiques, de fonctionnaires, de personnalités lettones
de quelque notoriété subirent des persécutions. L'attitude de
l'occupant provoqua chez les Lettons un mouvement puissant de résistance
clandestine auquel participa toute la nation. Un grand nombre de Lettons furent
arrêtés et mis dans des camps de concentration. Au commencement de
1945 au camp de Struthef, près de Dantzig, se trouvèrent plusieurs
milliers de Lettons, dont le sort est resté inconnu exception faite pour
quelques-uns qui réussirent à s'évader. Le nombre total des
Lettons emprisonnés ou enfermés dans les camps de concentration fut
considérable. Des listes incomplètes, tombées entre les mains
des Alliés, il résulte que seulement dans les camps de concentration
de l'Allemagne occidentale plus de 3.500 Lettons périrent.
Quand, dans le courant de l'été 1944; le front de l'Est atteignit le
territoire letton, le commandement de l'armée allemande en retraite
émit l'ordre de dévaster le territoire et d'évacuer ses
habitants. Cela fut motivé par des considérations militaires. De
grandes masses de réfugiés lettons se déplacèrent de
l'Est vers le Sud-Ouest du pays, c'est-à-dire vers les régions
épargnées par les opérations militaires. Ils eurent à
subir toutes les souffrances et toutes les misères qui sont habituellement
le sort de ceux qui doivent passer par cette via dolorosa .
Le moment vint où les opérations militaires balayèrent de plus
en plus le territoire letton; les autorités de. l'occupation allemande
publièrent alors des ordres de transfert de la population en Allemagne. Les
Lettons étaient opposés à la déportation en Allemagne.
Mais l'idée de tomber à nouveau sous le joug bolchéviste russe
était tellement terrifiante qu'un grand nombre de la population lettone tenta
de s'évader en Suède, pays neutre. Mais, hélas seul un nombre
restreint réussit à réaliser cette périlleuse entreprise.
Partir de la Lettonie par la mer la seule possibilité d'atteindre la
Suède c'était défendu, sous peine de mort, par les occupants
allemands nazis. Des unités de la marine de guerre allemande et de l'aviation
patrouillaient dans la mer Baltique; elles ramassaient les réfugiés et
les transportaient dans les camps de concentration nazis.
Il y a lieu de rappeler ici que le gouvernement allemand actuel de Bonn ne fait
pas sienne la politique Ribbentrop-Molotov, au sujet des zones d'influence dans la
région baltique. Par un document officiel (en date du 3 août 1951), le
gouvernement de Bonn vient encore de déclarer qu'il ne reconnaît pas,
à l'instar des grandes puissances occidentales, l'incorporation des Etats
Baltes dans la Russie Soviétique. Reconnaissant explicitement la
nationalité lettone, le gouvernement allemand définit le statut
international actuel des Etats Baltes comme celui d'une occupation militaire
( occupatio bellica ). Le gouvernement de Bonn a donc pris soin de se
désolidariser des exactions des nazis et des bolchéviks dans les
Etats Baltes.
C. - La seconde occupation bolchéviste
En 1944-45, après la retraite de l'armée d'occupation allemande,
recommença à nouveau l'horrible période de l'occupation
bolchéviste russe en Lettonie. Comme il a été déjà
indiqué plus haut, le nombre des exécutés et
déportés était très considérable pour la
première période de 1940-41. Mais depuis 1944-45, pendant la seconde
occupation bolchéviste, les exécutions et les déportations
furent plus terribles encore. Le nombre des victimes augmenta rapidement et
l'extermination du peuple letton continua sans interruption, sans épargner
même les vieillards, les femmes et les enfants.
Les prisons et les camps sont encore, à l'heure actuelle, remplis de prisonniers
et constamment de nouveaux transports arrivent. Le traitement des détenus est
brutal au plus haut degré et il est difficile de s'imaginer que de telles
atrocités se passent encore au XXe siècle; surtout au nom de la
démocratie .
En même temps, les pillages et l'exploitation implacable de la - Lettonie
se poursuivirent. Quand les bolcheviks pénétrèrent dans ce
pays en 1940, ils envoyèrent immédiatement en Russie Soviétique
tout le blé et les denrées alimentaires, comme aussi les articles
fabriqués qu'ils trouvèrent sur place (surtout les textiles et les
chaussures). Mais la presse bolchéviste, déformant les faits,
prétendait que l'armée rouge trouva à son arrivée en
Lettonie une population affamée et qu'il fut nécessaire de transporter
immédiatement des vivres de la Russie Soviétique pour nourrir les
habitants!
Les bois lettons furent rapidement abattus et transportés pour la
reconstruction des régions dévastées de la Russie
Soviétique, bien que la Lettonie, ayant souffert sévèrement
elle-même, en ait eu le plus grand besoin. Selon les données
publiées par les autorités soviétiques, des centaines de
milliers de maisons furent détruites en Lettonie pendant la guerre.
Aux biens ruraux on imposa de lourdes taxes et les fermiers furent soumis
d'obligations et de corvées exagérées qu'ils furent
incapables d'exécuter. Pour tout manquement, leurs biens furent
expropriés et livrés aux Sovkhozes ou Kolkhozes ,
créations soviétiques ; c'est ainsi que furent créées
des milliers de fermes collectives; aux frais des propriétés
individuelles, tandis que les ex-propriétaires terriens périrent
comme esclaves dans les camps de concentration soviétiques.
En même temps se poursuivait en Lettonie la destruction de la structure
sociale existante, par la bolchévisation des écoles, des
églises et de la famille, introduisant partout le système
soviétique. Les autorités d'occupation soviétiques
prescrivaient même - aux pasteurs protestants et aux prêtres
catholiques les thèmes de leurs sermons ; ceux d'entre eux qui
résistèrent étaient arrêtés et
déportés dans les régions arctiques, où les
attendait une mort certaine. Les églises devaient payer des impôts
très lourds, parmi lesquels en premier lieu l'impôt sur le
bâtiment du culte, calculé selon le cubage; en cas de non-paiement
ou de retard, les églises furent fermées. Les bâtiments du
culte étaient classés dans la même catégorie que les
cinémas, les restaurants de première classe et les boîtes
de nuit! L'impôt direct du clergé fut augmenté de 75 % et
les ecclésiastiques ne furent pas autorisés à avoir des
domestiques.
Ici, il faut signaler un nouveau moyen ingénieux d'oppression et de
chantage économique, appliqué par les bolcheviks. A
l'entrée des églises, peu nombreuses, où le culte peut
encore être célébré, les agents du Département
des Impôts contrôlent les fidèles, en leur demandant s'ils se
sont acquittés de tous leurs impôts, s'ils ont acheté assez
d'obligations des emprunts intérieurs, etc. Généralement,
les agents trouvent toujours des manquements à constater et c'est alors
l'ordre catégorique de s'exécuter immédiatement. Ce n'est ni
plus ni moins qu'un nouvel impôt sur les paroissiens...
Simultanément, les mouvements athées furent introduits et
favorisés de toutes manières. Cependant, cette propagande n'eut
pas de succès parmi les peuples baltes; elle était seulement
l'oeuvre des éléments étrangers récemment immigrés
et ayant pris la place des nationaux déportés. Les autorités
d'occupation soviétiques délivrent à ces immigrés des
pièces d'identité enlevées aux Lettons déportés.
Ceci est probablement fait en vue d'un changement éventuel de la situation
internationale et d'un futur plébiscite dans les Etats Baltes. Ces
étrangers pourraient alors prétendre être des citoyens du
pays; par leurs voix, la volonté des peuples letton, estonien et lithuanien
pourrait encore une fois être truquée.
Les Soviets ont encore inventé d'autres méthodes de
dénationalisation. Un de leurs décrets a déclaré nuls
tous les mariages quand le mari habite à l'étranger et refuse de rentrer;
la femme déclarée divorcée est forcée d'épouser une
personne d'origine russe ou mongole, immigrée en Lettonie. C'est là un
procédé honteux, inimaginable au XXe siècle.
IV Objections contre l'existence des Etats baltes.
1. Ces pays sont-ils un produit de conjoncture?
Une objection souvent répétée par les bolcheviks est
l'affirmation que les Etats Baltes ont été créés
artificiellement par le monde capitaliste, en vue d'encercler l'Union
Soviétique. On affirme à tort que les nations baltes appartiennent
à une race slave et que la place qui leur est assignée par la nature
doit se trouver dans l'Empire russe. On va jusqu'à dire que les peuples
baltes manquent de culture et ne méritent pas l'indépendance
nationale.
Ces prétextes ne valent pas plus que d'autres affirmations
bolchévistes proclamées de temps à autre pour remonter le
courage défaillant de la nation russe, à savoir que presque toutes
les inventions importantes (comme la machine à vapeur, les ampoules
électriques, la télégraphie sans fil, la radio, les
sous-marins, les avions, etc.) sont des inventions russes, volées ou
copiées ensuite par Edison et d'autres savants capitalistes.
Les Lettons ne sont ni Slaves ni Allemands, mais appartiennent, avec les
Lithuaniens, au groupe indo-européen. des Baltes. Les langues lettone et
lithuanienne sont étroitement apparentées au sanscrit et n'ont
rien de commun avec la langue russe, pas plus qu'avec les autres langues,
également d'origine indo-européenne.
En ce qui concerne leur manière de vivre, leurs habitudes et leurs
organisations politiques et économiques, ainsi que leur nature et
leur mentalité, les Lettons diffèrent entièrement des
Russes. Le professeur Schwabe, précisant cette différence, dit
dans son Histoire des Lettons et de leurs voisins :
Les Russes présentent un type passif de l'humanité. C'est
un peuple dominé. par les émotions. Ils considèrent le
travail comme un mal qui doit être subi. Les peuples baltes, au contraire,
sont actifs; ce sont des hommes de volonté et de raison. Ils
considèrent le travail comme un bien moral, et l'indolence, la paresse
et la négligence comme les plus grands vices. Contrairement aux Russes,
qui ont toujours eu une tendance vers la rêverie et vers la recherche
contemplative et métaphysique de Dieu et des vérités
ultimes, tentant de trouver le salut et l'évasion des
réalités pénibles de la vie dans les profondeurs de la
religion ou dans des utopies politiques et sociales, les peuples baltes sont
réalistes et possèdent un talent inné pour
l'organisation.
Même au commencement de notre ère, l'historien romain Tacite
pouvait écrire que les Aestii (comme on appelait alors les peuples baltes)
cultivent leurs champs plus assidûment que les Germains indolents . Les
auteurs du moyen âge ont décrit les nations baltes comme des gens
humains, paisibles et hospitaliers.
Les peuples baltes sont par leur nature sceptiques et individualistes; le
sens de la démocratie est enraciné dans leur conscience. Ils
possèdent le sens de la justice et respectent les droits naturels de
l'individu. De temps immémorial, la femme a été
l'égale de l'homme aux pays baltes. Contrairement à la femme
orientale, qui est l'esclave de l'homme et s'abandonne passivement à
tous ses caprices, une femme mariée balte possède autant
d'indépendance dans sa sphère d'activité que le mari
dans la sienne. Cette émancipation n'est pas le résultat d'une
réforme électorale moderne; c'est un trait du caractère
national et un héritage spirituel transmis pendant des
générations.
Sur le plan de la civilisation même, la région baltique est
différente de la Russie. L'architecture religieuse et séculaire
des pays baltes a suivi les styles de l'Europe Occidentale des
différentes périodes, tandis qu'en Russie s' est établi
l'art byzantin à partir déjà du Xe siècle. Les
peuples baltes appartiennent à la religion. soit catholique, soit
protestante, tandis que les Russes sont orthodoxes grecs. Les livres et les
journaux en langues baltes sont imprimés en caractères latins,
tandis que les Russes ont leur écriture à eux. A la
frontière des Etats Baltes avec la Russie, des éléments
essentiels de la civilisation européenne comme la loi romaine et la
loi canonique disparaissent.
La Lettonie indépendante attachait une importance toute
spéciale aux échanges culturels avec la France et l'Angleterre.
Le Lycée français de Riga était incontestablement
l'établissement scolaire le plus important de ce genre en Europe
orientale. De plus, l'Institut français de Riga consacrait ses efforts
au rapprochement des milieux intellectuels des deux pays.
L'étude du français et de l'anglais était très
poussée dans les écoles moyennes de Lettonie.
L'Institut anglais de Riga, jouissant d'une grande renommée, apprenait
aux jeunes gens et aux jeunes filles lettones la langue anglaise et leur
communiquait les éléments de la civilisation anglo-saxonne,
favorisant ainsi les échanges culturels.
En France, dans les lycées de Tourcoing (et plus tard à Grenoble),
un nombre important de jeunes Lettons faisaient leurs études comme
élèves boursiers des gouvernements français et letton. Le
nombre des étudiants et artistes lettons à la Sorbonne, à
l'Ecole des Beaux-Arts et aux différents autres instituts
d'éducation de Paris a toujours été considérable.
Tout cela prouve à l'évidence l'appartenance de la Lettonie aux
pays de civilisation occidentale.
Les grands courants de la civilisation européenne, comme le
féodalisme, la, renaissance italienne, le classicisme et tous les mouvements
modernes de l'art, de la littérature, à l'économie, de la
sociologie et de la politique ont, dans leur flux et reflux, atteint les côtes
orientales de la mer Baltique, mais ils n'ont jamais profondément
pénétré en Russie, gouvernée toujours par ses propres
tendances.
Les fouilles archéologiques ont prouvé que les Baltes ont vécu
sur le territoire actuel des pays baltes depuis au moins 2.000 ans avant J.-C.;
à une époque où les races slaves nomades habitaient les steppes
de la Russie du Sud. Les Slaves commencèrent à immigrer vers le
Nord-Ouest beaucoup plus tard. Ce n'est que vers le 8ème siècle de
notre ère qu'ils approchèrent des régions habitées par
les peuples baltes et commencèrent à les inquiéter. Pour se
défendre contre ces maraudeurs, les Lettons établirent une zone de
fortifications solides, constituées par environ 150 châteaux forts, pour
pouvoir vivre sous leur protection une vie indépendante, avec leurs rois, leur
administration, leur monnaie, leur système fiscal, leur système de poids
et mesures et leurs lois. L'agriculture, avec ses fermes individuelles, tellement
caractéristiques pour les Lettons, et l'artisanat atteignaient un haut niveau.
La prospérité du peuple était considérable, si l'on juge
d'après les grandes quantités d'objets en argent et d'autres joyaux
trouvés pendant les fouilles archéologiques. La civilisation lettone
de cette période était d'un caractère démocratique, avec
un folklore abondant et complètement libre de toute influence germanique ou
slave.
Il est important de se rendre compte que la zone fortifiée de cette ancienne
période coοncide avec la frontière actuelle entre l'Etat letton et
l'U.R.S.S. Cela prouve que le peuple letton n'a jamais usurpé un mètre
carré de terrain qui n'ait été habité par des Lettons
depuis les temps anciens; s'il y a un petit nombre de Russes en territoire letton,
ce sont alors des immigrés qui se sont installés là pendant les
18ème et 19ème siècles, quand la Lettonie était sous la
domination russe.
Jusqu'au 18ème siècle, toutes les tentatives moscovites pour
conquérir la région des Etats Baltes (la plus vigoureuse ayant
été la campagne d'Ivan le Terrible, au commencement du 16ème
siècle) ont échoué. Ce n'est qu'au commencement du 18ème
siècle que le tsar Pierre le Grand conquit le territoire des Pays Baltes au
nord du fleuve Daugava (Duna), sauf la province de Latgale.. Le Duché de
Kurzeme (Courlande) resta indépendant et joua un rôle important dans
la politique européenne pendant le règne du duc Jacques le Grand et de
son fils Casimir. Le duché possédait une marine de guerre et une marine
marchande puissantes; il avait des colonies en Afrique (Gambie) et aux Antilles (Tobago),
ainsi que des mines de cuivre en Norvège. La Courlande prenait part activement
à la politique européenne et porta, entre autres, secours sous forme de
navires de guerre et de céréales au roi d'Angleterre pendant sa lutte
contre Cromwell. L'économie et la civilisation du pays étaient alors en
plein essor, et à Jelgava (Mitau), la capitale du duché, existait un
opéra où un ballet français donnait des spectacles. En ce qui
concerne la politique internationale, le duché jouit d'un tel poids
spécifique que William Penn l'envisagea comme membre éventuel de
l'Union Européenne à créer.
Ce ne fut qu'à la fin du 18ème siècle, alors qu'une
constellation tout à fait nouvelle s'était formée dans l'Europe
Orientale, que la Latgale d'abord, puis le duché de Courlande ainsi que la
Pologne devinrent victimes du nouveau bloc russo-prussien-autrichien et durent
capituler devant la Russie. Napoléon rétablit en 1812
l'indépendance du duché de Courlande et nomma un Conseil de
Régence. Un consulat français fut ouvert à Jelgava (Mitau),
la capitale du duché. Mais en 1813, après la retraite, de
Napoléon, la Courlande fut définitivement occupée par les
armées russes.
En résumé, ces faits prouvent
a) que les Lettons n' ont rien- de commun avec les Russes, ni par leur origine,
ni par, leur culture;
b) que les Lettons ont toujours appartenu à l'Europe 'Occidentale, en ce
qui concerne leurs habitudes, leur culture et leur civilisation, et
c) que les Lettons ont toujours mené une vie indépendante de la
Russie, excepté pendant la période succédant à la
Grande Guerre Nordique. Alors, le Nord de la Lettonie, la Vidzeme (Livonie),
selon le Traité de Paix de Nystad en 1721, fut annexée par la Russie,
et après le troisième partage de la Pologne (en 1795) la Courlande
en même temps que le royaume de Pologne furent soumis à la domination
russe. Le tsar de Russie ajouta alors à ses nombreux titres celui du duc de
Courlande. Cependant, même à ce moment-là, la Livonie et la
Courlande, tout en étant des provinces russes, gardèrent une certaine
autonomie intérieure, jusqu'en novembre 1918, quand tous les territoires
habités par les Lettons s'unirent dans une République
Démocratique Lettone indépendante.
Que l'Etat letton n'est pas un produit de conjoncture, cela est prouvé
par les faits. La nation lettone n'a jamais cédé à ses
oppresseurs. Pendant la période la plus sombre de l'oppression, à la
fin de l'âge du rationalisme, des insurrections très puissantes eurent
lieu en Livonie en 1771, 1779 et 1784 contre les usurpateurs, mais elles furent
opprimées par les forces armées de la Russie. Et de nouveau au
19ème siècle (1802, 1805, 1930, 1844, 1863, 1899) et en 1904-1905
les Lettons prouvaient au monde par leurs soulèvements qu'ils étaient
politiquement vivants et qu'ils ne perdaient pas courage.
La révolte de 1905 fut une insurrection sur une échelle
particulièrement large et profonde. Le pays letton entier fut en
effervescence révolutionnaire. L'administration russe locale fut par
endroits chassée et le pouvoir pris par les révolutionnaires. Les
Russes ne réussirent qu'à tenir les grandes villes, défendues
par leurs fortes garnisons. La victoire semblait proche, mais le gouvernement russe,
conscient de la gravité de la situation, employa des forces militaires,
disponibles dès la fin de la guerre japonaise. De fortes expéditions
punitives russes traversèrent la Lettonie en toutes directions et les
combattants pour la liberté et l'indépendance du pays durent capituler
dans ce combat inégal. La vengeance russe fut terrible. Partout furent
établis des tribunaux militaires qui punirent les insurgés
véritables ou présumés comme tels en les fusillant, les
pendant, les condamnant aux travaux forcés, les fouettant sauvagement
jusqu'à la mort, brûlant leurs maisons, etc. Dans le cas où
le coupable était en fuite, ses biens étaient brûlés.
En plusieurs circonstances, même les parents du fugitif furent punis et,
à titre de représailles; des édifices publics furent
incendiés ou démolis. Les chefs des insurgés qui avaient
réussi à s'enfuir à temps émigrèrent. Le reste
se cacha et chercha un refuge dans les bois, créant un mouvement partisan
très puissant.
L'insurrection de 1905 coûta aux Lettons environ 2.000 morts, non compris
les condamnés aux travaux forcés. Après expiration de leur
terme, il ne leur était pas permis de rentrer chez eux, mais ils
étaient contraints de s'installer en Sibérie pour toujours.
La révolte fut opprimée, mais la Russie tsariste ne réussit
pas à effacer de l'âme de la nation lettone la nostalgie de la
liberté.
La première guerre mondiale apporta de nouvelles épreuves dures pour
la nation lettone. Quand les opérations militaires atteignirent le sol
letton, les dévastations devinrent immenses, mais le gouvernement russe ne
s'occupa pas du sort des réfugiés.; les Lettons
décidèrent donc d'organiser eux-mêmes la défense de leur
territoire. D'abord, le gouvernement russe n'y consentit pas; mais, à la
fin de 1915, quand la situation sur le front devint critique et lorsque les routes
vers Petrograd étaient en danger d'être occupées par les
Allemands, l'autorisation fut enfin donnée d'organiser des troupes lettones
composées de volontaires et nommées Les Régiments de
Tirailleurs Lettons . Ainsi, deux brigades, de quatre régiments chacune,
furent formées, le total étant de 32.000 hommes.
Bien que les Tirailleurs Lettons , malgré leur héroοsme et les
pertes énormes causées par l'incompétence traîtresse
du commandement de l'armée russe, n'aient pas été capables de
libérer la partie de la Lettonie occupée par les Allemands, ils
augmentèrent en tout cas par leurs magnifiques exploits le prestige letton
et préparèrent l'indépendance de leur patrie.
Abandonnés à leur destin par le gouvernement russe les Lettons
organisèrent par leurs propres moyens des comités de bienfaisance
pour assister leurs réfugiés, dont le nombre pendant la
première guerre mondiale atteignit 700.000 personnes.
En 1917, après la révolution russe, les Lettons eurent l'occasion
de participer activement à la vie politique. Dans chaque province de la
Lettonie, des conseils régionaux furent élus, notamment en Kurzeme,
Vidzeme et Latgale. Afin d'instituer un organisme autorisé à parler
au nom de toute la nation, un Conseil National Provisoire Letton fut
créé à Petrograd, en 1917, et ce Conseil se réunit
pour sa première session à Valka, le 1er décembre 1917. Une
déclaration fut votée, proclamant que tout le territoire habité
par les Lettons devrait être réuni en un organisme autonomie national,
dont le statut ainsi que les relations extérieures et le régime
intérieur devraient être déterminés par une
assemblée constituante et un plébiscite. Le 5 janvier 1918, le
Conseil National Letton, en - se basant sur le droit des peuples de disposer
d'eux-mêmes, annonça à 1'Assemblée Constituante russe
sa décision de se séparer de la Russie.
Les Allemands, qui occupaient alors la plus grande partie de la Lettonie, ainsi
que les bolcheviks, étaient opposés à l'idée d'un Etat
letton et entravaient considérablement l'initiative du Conseil National. Le
Conseil transféra alors son siège à Saint-Pétersbourg
et continua de populariser l'idée d'un Etat letton indépendant.
L'Allemagne comprit qu'il ne serait pas possible d'annexer purement et simplement
les territoires baltes. Par conséquent, elle tenta d'aller au-devant des
aspirations des nations lettone et estonienne, en proposant de créer un
duché balte constitué par la Lettonie et l'Estonie et qui serait
en union personnelle avec la Prusse.
On sait que, selon les traités signés le 3 mars 1917 à
Brest-Litovsk et le 27 août 1918 à Berlin, Moscou renonça
volontairement aux territoires baltes, cédant une partie de ceux-ci
à l'Allemagne (la Courlande et les îles estoniennes), tandis que
l'avenir de l'autre partie (Livonie et Estonie) était réservé
aux décisions des habitants eux-mêmes. Afin de maintenir l'ordre,
les unités de la police allemande étaient autorisées
à rester temporairement en Livonie et en Estonie. Selon ces
traités, l'Allemagne garda effectivement le pouvoir suprême dans
les pays baltes et elle tenta de rendre permanent cet état de choses.
Les Allemands gardèrent cette ligne de conduite jusqu'à leur
effondrement en automne 1918, quand tous leurs plans furent anéantis
par la capitulation.
Le Conseil National Letton s'opposa de toutes ses forces à la
réalisation de ces plans, déclarant solennellement, au nom de la
nation lettone en juillet 1917, que le traité de Brest-Litovsk
était non seulement une violation du droit des peuples de disposer
d'eux-mêmes, mais encore un acte de violence qui ne liait pas la nation
lettone; que le peuple letton se refusait à reconnaître l'annexion
par la Prusse, ainsi que l'union personnelle avec celle-ci, et réclamait
un Etat letton indivisible et indépendant, sous une garantie internationale.
Les politiciens lettons, qui étaient restés dans le pays sous
l'occupation allemande, s'unirent clandestinement en un bloc démocratique,
au sein duquel les socialistes et les partis bourgeois travaillèrent
ensemble. Ce bloc décida déjà, en octobre 1917, de lutter pour
une République lettone indépendante et démocratique.
De cette manière, toutes les organisations importantes lettones avaient
exprimé; déjà en 1917-1918, leur volonté de créer
un Etat letton unissant tout le territoire habité par les Lettons.
Ainsi, de toute évidence, il n'est pas exact d'affirmer que la Lettonie
serait devenue indépendante (en 1918) seulement par hasard, comme un
cordon sanitaire ou un Etat-tampon contre la Russie, créé
artificiellement par le Traité de Versailles. La vérité est
tout autre. En fait, l'indépendance de la Lettonie a évolué
organiquement.
Lénine, après avoir saisi le pouvoir - en Russie, était
contraint de déclarer, le 15 novembre 1917, conformément aux
quatorze articles du Président Wilson, que les différents peuples
qui avaient appartenu jusqu'à cette date à l'Empire russe avaient
le droit d'autodétermination. Pourtant, les événements
ultérieurs ont prouvé que Lénine n'a jamais pris au
sérieux cette promesse. Au contraire, il tourna bientôt ses armes
contre les nouvelles républiques.
Dans cette lutte, les nouveaux Etats nationaux: la Finlande, la Lettonie,
l'Estonie, la Lithuanie et la Pologne remportèrent la victoire, mais ils
durent subir des pertes graves en vies humaines et en matériel.
L'indépendance de ces nations n'avait pas été un cadeau
des capitalistes occidentaux , comme l'affirment les bolcheviks et leurs
satellites, sous l'influence de Moscou, mais ces nations avaient elles-mêmes
lutté pour cette liberté et l'avaient défendue à main
armée.
2. Les Etats baltes sont-ils dépourvus des moyens d'existence
économiques?
Un argument de plus, opposé par les bolcheviks et les impérialistes
russes au droit d'existence des Etats Baltes, prétend qu'ils sont incapables
d'une vie économique autonome, ne possédant ni mines ni autres
richesses naturelles et étant économiquement dépendante de
la Russie Soviétique.
La base économique de la Lettonie est son agriculture qui emploie plus de
60 % de sa population. C'est une très ancienne vérité,
confirmée par les événements récents, que le paysan
est le facteur le plus stable dans la vie d'une nation.
Dès que la Lettonie se fut libérée de la tutelle russe, son
agriculture atteignit un niveau très élevé, dépassant
de loin la Russie Soviétique avec ses kolkhozes et ses méthodes de
travail bolchévistes et communistes.
L'évolution de l'agriculture en Lettonie était favorisée
en grande partie par la réforme agraire, menée à bonne fin
pendant les premières années de son indépendance. De nombreux
ouvriers agricoles devinrent propriétaires. Quand cette réforme
était accomplie, 80 % de toutes les fermes lettones étaient devenues
des petites propriétés gérées par le fermier et sa
famille. Ces fermes familiales, comme le démontraient les
événements ultérieurs, étaient la base la plus solide
du nouvel Etat. Tandis que les bolcheviks prolétarisaient leurs fermiers,
les transformant en ouvriers agricoles attachés aux domaines publics, la
Lettonie prit la direction opposée, élevant le prolétariat
agricole au rang de propriétaires.
Cela explique en partie la cruauté avec laquelle les bolcheviks traitent
maintenant les fermiers de la Lettonie, en les ruinant par des impôts, des
taxes et des corvées, avec le but de les expulser de leurs fermes
individuelles et de créer à leur place des kolkhozes. Les fermiers
eux-mêmes sont souvent déportés en Union Soviétique
et condamnés aux travaux forcés.
Ce qui se passe en Lettonie actuellement peut être considéré
comme une terrible tragédie du paysan.
Le fermier letton est individualiste; il est attaché à sa terre de
tout son coeur et périra plutôt que de l'abandonner. Par
conséquent, il n'y a rien de surprenant dans le fait qu'en Lettonie., en
Estonie et en Lithuanie un mouvement de résistance très violent se
soit manifesté. Ce mouvement est soutenu par toutes les classes de la
population, mais son vrai noyau est ce fermier persécuté qui lutte
désespérément pour son existence, pour la liberté de
son peuple et pour l'indépendance de son Etat.
Grâce à la réforme agraire et à l'assiduité du
fermier letton, la Lettonie devint dans un délai très court
exportateur de produits agricoles; ces marchandises étaient exportées
vers la Grande-Bretagne, vers la France et vers divers autres pays du continent.
Si l'Europe subit actuellement une grave crise alimentaire, on peut l'expliquer en
grande partie par le fait que, de tous les pays agricoles de l'Europe, seulement
le Danemark et la Suède sont de ce côté du Rideau de Fer, tandis
que la grande majorité des Etats agricoles se trouve sous le joug
bolchéviste, entièrement coupée du monde extérieur.
Parmi les articles d'exportation du pays letton, le beurre tint la première
place. A titre de comparaison: en 1937, l'Union Soviétique exporta 14.000
tonnes de beurre, mais la Lettonie 23.400 tonnes, c'est-à-dire 60 % de plus
que l'immense Russie. La Lettonie occupa sous ce rapport, après le Danemark,
la seconde place en Europe. En outre, elle exporta du bois, du lin, du bacon, des
semences de trèfle, des animaux reproducteurs, du papier et
différents autres produits. Le chiffre des exportations pour la
dernière année avant la deuxième guerre mondiale était
de 52 millions de dollars contre celui des importations de 44- millions de dollars.
Le tableau du commerce extérieur de la Lettonie pour l'année 1938
était le suivant
|
Importation
|
Exportation (en %)
|
Grande-Bretagne
|
20,8
|
41,9
|
Allemagne
|
38,9
|
29,5
|
USA
|
6.3
|
1.4
|
Russie
|
3.5
|
|
Ces chiffres montrent que l'Union Soviétique joue un rôle
comparativement petit dans la vie économique de la Lettonie et que le
commerce extérieur letton fut presque entièrement dirigé
vers l'Ouest. Les données publiées par la Société
des Nations concernant le commerce mondial en 1938 montrent que la Lettonie,
l'Estonie et la Lithuanie participèrent à ce commerce avec 222
millions de dollars, ou 0,47 %, et l'Union Soviétique avec 525 millions
de dollars, ou 1,1 %. Ces chiffres indiquent clairement que les trois Etats
Baltes, avec leurs 5,6 millions d'habitants, jouèrent dans le commerce
mondial un rôle comparativement beaucoup plus important que l'Union
Soviétique avec ses 170 millions d'habitants.
A côté de l'agriculture, l'industrie fut aussi un facteur important
de l'économie lettone; elle se servait pour la plus grande partie de
matières premières locales. 120.000 ouvriers travaillaient dans
6.000 entreprises et leur production annuelle avait une valeur de 135 millions
de dollars. Une partie de ces produits industriels était aussi
exportée.
L'industrie du bâtiment prit un grand essor à la suite de la
réforme agraire. De nouvelles stations électriques, des usines,
des écoles, d'autres édifices publics et des maisons d'habitation
furent construits en grand nombre; on installa des routes et des ponts modernes.
Le gouvernement letton favorisait la construction de maisons d'habitation
modernes dans les régions agricoles.
Pas de chômage en Lettonie. A cause du manque de main d'oeuvre pour son
agriculture intensive, la Lettonie devait faire venir chaque année environ
50.000 ouvriers agricoles de Pologne et de Lithuanie pour les travaux de la saison.
La législation sociale en Lettonie était d'un niveau
élevé. En ce qui concerne la ratification des conventions
votées par l'Organisation Internationale du Travail, la Lettonie fut en
première place parmi les autres pays. Le niveau de la vie des ouvriers
était élevé. La Lettonie occupait une des premières
places au monde en ce qui concerne la consommation du lait et de la viande, avec
566 kg. de produits laitiers et 85 kg. de viande par an et par personne.
Les chiffres montrant la différence entre l'économie
soviétique et celle de la Lettonie sont éloquents:
|
Union Soviétique
|
Lettonie
|
Superficie (en 1.000 km2)
|
21.400
|
66
|
Habitants (en millions)
|
170,5
|
2
|
Population rurale (en %)
|
67,2
|
63,5
|
Population des villes '(en %)
|
32,8
|
36,5
|
Moyenne des habitants (au km2)
|
8
|
33
|
En ce qui concerne la superficie, la Russie Soviétique était donc
324 fois, mais quant à la population 85 fois plus grande que la Lettonie.
Production moyenne par habitant en 1938 (en kg.):
|
Union Soviétique
|
Lettonie
|
Lait
|
170
|
835
|
Beurre
|
1
|
15
|
Lin 1937
|
3.4
|
12
|
Papier
|
5
|
15.2
|
Ciment
|
34
|
78
|
Ces chiffres montrent que les réalisations économiques de la Lettonie
étaient de loin supérieures à celles de l'Union
Soviétique. Il faut se rendre compte que la fertilité du sol et les
richesses naturelles de l'Union Soviétique sont beaucoup supérieures
à celles de la Lettonie qui possède peu de richesses naturelles.
Déjà, sous le régime des tsars, la productivité russe
était inférieure à la productivité lettone. Ce fait
s'explique par l'assiduité, la formation et l'aptitude professionnelle de
l'ouvrier et du fermier lettons. Les intellectuels lettons, les institutions d'Etat,
les services publics ainsi que les municipalités ont rivalisé de
zèle pour mettre sur pied une bonne organisation de la vie économique
du pays.
Selon les données officielles de la Russie tsariste (1913), la Lettonie lui
donna un revenu annuel de 235 millions de francs or, mais les dépenses
administratives pour les besoins de ce territoire étaient de 144,8 millions
de francs or seulement. Ainsi la Lettonie donna à la Russie tsariste un
revenu net de 90,3 millions de francs or ou 18 millions de dollars par an.
Par conséquent, même pendant le régime tsariste, la Russie
était le parti gagnant, et non la Lettonie; inutile de parler du temps de
l'indépendance de la Lettonie, durant lequel elle a démontré
au monde entier qu'elle possédait une économie saine et pleinement
indépendante de l'Union Soviétique.
3. Les Etats baltes sont-ils un obstacle pour le commerce
soviétique avec l'ouest.
Pareillement gratuite est l'affirmation des bolcheviks que la Lettonie
indépendante, avec ses ports libres de glace, était un obstacle pour
le commerce de la Russie Soviétique. Si c'était le cas, l'Allemagne
devait aussi tâcher d'anéantir l'indépendance de la Belgique
et des Pays-Bas et revendiquer les ports belges et néerlandais.
Depuis des temps anciens, la Lettonie a été une importante
médiatrice pour le commerce et les communications entre l'Est et l'Ouest.
Par les fleuves et les routes de la Lettonie, un trafic intense eut lieu entre la
Scandinavie et Byzance, la Perse et d'autres pays orientaux; la Lettonie
était toujours prête à concéder des facilités
du même ordre à l'Union Soviétique.
Contrairement aux affirmations soviétiques, la Lettonie n'empêchait
aucunement le commerce de transit venant de la Russie soviétique et vice
versa, mais elle faisait au contraire l'impossible pour faciliter ces
opérations de transit.
A la fin de la première guerre mondiale, l'écartement des voies des
chemins de fer de la Lettonie était celui des lignes de l'Europe Occidentale,
à savoir 1.435 mm. Pour donner aux trains russes la possibilité
d'atteindre les ports lettons sans un rechargement des marchandises, la Lettonie
ajusta ses lignes de chemin de fer de transit les plus importantes à celles
des chemins de fer russes, c'est-à-dire à l'écartement
de 1.542 mm. De plus, les marchandises russes furent transportées à
un taux inférieur de 75 % à celui fixé pour les marchandises
du trafic local. L'importation et l'exportation russes à travers la Lettonie
furent exemptées de tous impôts. A Liepaja (Libau), on installa un port
libre. Pour satisfaire les besoins de l'Union Soviétique, les installations
des ports furent modernisées (grues électriques, entrepôts
réfrigérés, élévateurs de blé, etc.) Les
entrepôts étaient loués à des taux extrêmement bas.
La Lettonie fit donc tout son possible pour faciliter le passage des marchandises
soviétiques à travers son territoire, plus rapidement et plus
facilement que dans l'Union Soviétique elle-même.
Malgré cette attitude obligeante de la Lettonie, l'Union Soviétique
n'utilisa ces facilités qu'à une échelle insignifiante. Il
est évident que, par rapport aux questions économiques, ainsi que
partout ailleurs, la Russie Soviétique se fait guider uniquement par des
considérations politiques; même le transit par la Lettonie devenait
une arme politique.
Un poste très important, c'était l'agence commerciale soviétique
en Lettonie, avec un nombre très élevé d'employés. Comme
cela s 'avéra par la suite, ces employés n'étaient pas seulement
chargés du travail d'un caractère commercial mais s'adonnaient
intensivement à l'agitation subversive.
V. CONCLUSION
Grâce à la victoire des Alliés lors de la deuxième guerre
mondiale, la France, la Belgique, le Luxembourg, la Hollande, le Danemark, la
Norvège et la Grèce recouvrèrent leur liberté et
leur souveraineté. Seules la Lettonie, l'Estonie et la Lithuanie restent
encore à l'heure actuelle occupées par un des anciens Alliés et
continuent à souffrir terriblement sous le régime abominable de cet
occupant.
Dans les pays baltes, la destruction de l'ordre économique, social et culturel
ainsi que l'anéantissement de toute vie religieuse et morale est toujours le
but poursuivi par les occupants soviétiques; les habitants continuent à
être dépouillés de leurs valeurs matérielles et culturelles
et même à être déportés et exterminés; ils
sont remplacés par des immigrés amenés de l'Est,
complètement différents au point de vue racial.
Si, en 1939-1940, les occupants soviétiques faisaient valoir le faux argument
que les Etats Baltes étaient trop faibles pour se défendre et qu'il
était du devoir de l'Union Soviétique de les protéger contre
l'Ouest (les Allemands), cet argument a perdu sa raison d'être, après
la défaite de l'Allemagne; du point de vue soutenu par les bolcheviks
eux-mêmes, il n'y a plus de motifs pour une occupation de ces Etats.
Le Conseil National Letton, pendant sa session du 11 juillet 1948, vota la
résolution suivante concernant le rétablissement de
l'indépendance des états Baltes:
S'étant réuni pour sa première session et ayant entendu
les rapports sur les conditions en Lettonie et sur la situation internationale de
l'Etat letton, le Conseil National Letton proteste énergiquement contre
l'acte d'agression non provoquée commis par l'Union Soviétique contre
la pacifique République Démocratique Lettonne, le 17 juin 1940,
violant le traité de paix, le traité de non-agression, et d'autres
traités, ainsi que le Pacte Briand-Kellogg et d'autres engagements
internationaux, en occupant et en soviétisant la Lettonie, détruisant
son indépendance.
Le Conseil National Letton déclare solennellement que les Lettons ne
reconnaissent pas et ne reconnaîtront jamais la violation, par les
autorités d'occupation soviétiques, du statut constitutionnel et de
l'ordre politique et économique de l'Etat letton, par la ruse et la
violence.
Plaçant une confiance absolue dans les grandes démocraties
occidentales, le Conseil National Letton s'attend à ce que ces nations,
fidèles aux principes de la Charte de l'Atlantique et à ceux des
Nations Unies :
a) Exigent que la Lettonie soit libérée du joug inhumain des
bolcheviks russes et que son indépendance soit rétablie;
b) Utilisent tous les moyens à leur disposition pour arrêter les
actes de terreur et pour empêcher l'extermination des nations baltes, et
c) Prennent des décisions en vue de rendre possible aux Lettons,
Estoniens et Lithuaniens déjà déportés en Union
Soviétique, mais encore en vie et voués à une mort certaine
dans les prisons ou dans les camps de concentration, de retourner chez eux ou
d'émigrer.
Le Conseil National Letton espère et attend que toutes les organisations
et personnes désireuses de lutter pour la Démocratie et pour les
Droits élémentaires de l'Homme:
a) Entendent le signe de S.O.S. lancé par les Lettons, les Estoniens et
les Lithuaniens de l'autre côté du Rideau de Fer;
b) Ne restent pas des spectateurs indifférents, mais
c) Elèvent courageusement et d'une manière catégorique
leurs voix pour la juste cause des Nations Baltes, lesquelles, sans ,aucune
culpabilité de leur part, sont subjuguées par le pouvoir des
Soviets, endurent des souffrances intolérables et envisagent avec effroi
une extermination complète;
d) Achèvent la libération de ces nations de la tyrannie
soviétique, et
e) Rétablissent leur liberté et leur indépendance nationale.
LE CONSEIL NATIONAL LETTON.
Source:
le manifeste La Nation lettone doit-elle périr? Un appel urgent du
Conseil National Letton au monde civilisé, 1951
Commentaires:
, Suisse Romande, 03 mars 2001,
Mise à jour: 03 mars 2001
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