1948 :
La Nation
lettone doit-elle périr?
Un appel urgent du Conseil National Letton au monde civilisé
La Lettonie et les autres Etats baltes dans la politique internationale.
1. Création des Etats Baltes indépendants.
Les Lettons, de même que les peuples des autres Etats Baltes, Estoniens et
Lithuaniens, ont lutté pour leur indépendance de 1917 jusqu'à
1921. C'est à cette même époque que dans la lutte contre
l'impérialisme allemand, triompha le principe du droit des peuples à
la libre disposition d'eux-mêmes, proclamé par les grands Etats
démocratiques occidentaux, Etats-Unis d'Amérique, Angleterre et Irlande.
En 1918, après le ………… pour tous la politique russe renversement de
l'impérialisme allemand, tous les peuples qui vivent en Russie occidentale
et qui se différenciaient des Russes par la langue., la culture nationale, les
coutumes, les traditions historiques, la religion et le mode de vie économique,
- Finnois, Estoniens, Lettons, Lithuaniens et Polonais, - se séparèrent
de la Russie et fondèrent des Etats indépendants, nationaux et
démocratiques.
Après de courtes luttes avec ces jeunes Etats indépendants, l'Union
Soviétique renonça, par des traités de paix solennels, à
tous les droits que la Russie possédait auparavant sur les territoires de la
Baltique et reconnut irrévocablement l'indépendance nationale et la
souveraineté des Etats Baltes (1920); Cette reconnaissance de jure des Etats
Baltes par la Russie fut suivie par celle des Etats d'Europe occidentale et
d'Amérique. Les Etats Baltes furent admis à la Société des
Nations (1921) et ainsi, de plein droit, reconnus souverainement en Droit international.
Lors de la création des Etats Baltes indépendants des voix
s'élevèrent émettant la crainte :
1) que ces petits Etats n'aient pas assez de puissance pour atteindre un niveau
économique suffisamment élevé,
2) que, coupant la Russie de la mer Baltique, ils ne nuisent au commerce international
et à l'accès économique de la Russie aux ports baltes. Les vingt-deux
années d'indépendance des peuples baltes ont démontré que
ces craintes étaient sans fondement.
2. Résultats obtenus par la Lettonie pendant son indépendance.
Lorsque la jeune République commença sa vie autonomie et relativement
normale, elle se trouva, de même que le monde d'aujourd'hui, en présence
de fermes dévastées, de propriétés agricoles en ruines, des
villes en partie démolies, de voies ferrées abîmées sans
locomotives ni autre matériel roulant, devant des fabriques partiellement ou
entièrement détruites et sans machines, d'ateliers sans outils et même
sans ouvriers. Elle n'avait ni appareil administratif, ni communal ; quant aux institutions
culturelles, n'en parlons pas.
Pendant ces années d'indépendance, la Lettonie transforma
entièrement cet amoncellement de ruines. Une administration aux rouages
impeccables fut organisée. La monnaie fut stabilisée dès 1922,
sans l'aide d'aucun emprunt à l'étranger. L'agriculture, l'industrie et
le commerce s'élevèrent à un degré d'activité jamais
atteint encore dans ce pays. Des réformes agraires radicales transformèrent
profondément la vie dans les campagnes en créant une classe de petits
propriétaires agricoles possédant force économique et
sécurité sociale. Des réformes sociales similaires
améliorèrent la condition des ouvriers. Il n'y a pas une seule convention
du Bureau International du Travail de quelque importance que la Lettonie n'ait
ratifiée et complétée par des lois appropriées assurant leur
application. C'est ainsi, par exemple; que la loi lettonne sur les assurances maladie
était en son temps l'une des meilleures dans le monde entier.
Grâce à tous ces résultats, au moment où éclata la
deuxième guerre mondiale, le standard de vie économique des habitants
de Lettonie était le même que celui des peuples d'Europe occidentale.
Parallèlement, la vie culturelle, - instruction, arts et littérature, -
avait atteint un développement extraordinaire.
Les minorités nationales, vivant en Lettonie au temps de son indépendance,
avaient pu de même développer leur vie culturelle propre. En plus des
mêmes droits que les autres citoyens de la République, les minorités
jouissaient encore de droits spéciaux pour le développement de leur vie
culturelle. Elles avaient leurs écoles, leurs instituts, ainsi que des
théâtres, des journaux et des livres dans leur langue.
Les autres Etats Baltes, Estonie et Lithuanie, avaient atteint un égal
développement économique et culturel.
Bien que ces Etats n'aient pas possédé de grands territoires, ni un grand
nombre d'habitants, cela ne les avait pas empêches d'atteindre un niveau
économique et culturel de première importance. L'indépendance
récemment conquise joua comme un facteur stimulant aussi bien dans la vie
économique que dans les créations intellectuelles.
3. Relations entre les Etats Baltes et l'Union Soviétique jusqu'à la
deuxième guerre mondiale.
L'indépendance des Etats Baltes n'apporta aucune entrave au commerce international
non plus qu'à l'activité économique de la Russie, par rapport à
la mer Baltique. La Lettonie organisa dans ses principaux ports des territoires libres dans
lesquels pouvaient circuler en transit, sans payer de douane, toutes les marchandises
provenant ou destinées à la Russie. La Lettonie appliquait à ces
marchandises en transit des tarifs ferroviaires spéciaux, intérieurs aux
tarifs intérieurs. L'Estonie procédait de même. Jamais l'Union
Soviétique n'a émis la moindre plainte relative à une coupure ou
à une entrave quelconque apportée à ses relations économiques
avec le reste du monde, par l'intermédiaire des ports de la Baltique.
Aucun incident, aucun conflit sur cette question ne s'est jamais élevé
entre l'Union Soviétique et les Etats Baltes, car ceux-ci garantissaient
d'eux-mêmes à l'Union Soviétique un libre accès à
la mer Baltique.
Entre les Etats Baltes et l'Union Soviétique il n'y eut jamais non plus le
moindre conflit politique. Les relations internationales de ces Etats étaient
réglées par différents traités internationaux dont les plus
importants sont des traités de paix, des traités de non-agression, des
traités pour le règlement de différends, le pacte Briand-Kellogg
et le traité sur la définition de l'agresseur. La Lettonie et les autres
Etats Baltes appliquèrent loyalement ces traités et, tenant à
maintenir de bonnes relations, ne participèrent à aucun bloc ennemi qui
eut été dirigé contre l'Union Soviétique.
Si donc des relations si pacifiques et si stables régnaient entre les Etats
Baltes et l'Union Soviétique, alors, doit-on se demander : pourquoi en 1940
cette dernière occupa-t-elle militairement les Etats Baltes et les annexa-t-elle
par la force ?
4. Comment procéda l'Union Soviétique pour occuper et annexer la
Lettonie et les autres Etats Baltes ?
Avant de répondre à cette question, il nous faut tout d'abord dire
quelques mots de cette annexion par la violence. Les personnages officiels de l'Union
Soviétique certifient qu'aucune annexion des Etats Baltes n'a eu lieu et que
ceux-ci sont entrés librement dans l'Union Soviétique. Rappelons encore
une fois les faits déjà connus, afin de caractériser la politique
à la fois de violence et de ruse employée par l'Union Soviétique
pour ravir l'indépendance des Etats Baltes.
En 1939, dès que l'Allemagne eut vaincu la Pologne, Moscou, menaçant
d'employer la force, imposa aux Etats Baltes des traités par lesquels l'Union
Soviétique obtenait le droit d'installer des garnisons en différents
points de ces Etats, ainsi que d'organiser des bases navales dans certains ports
d'Estonie et de Lettonie. Déjà, par le truchement de ces traités,
l'indépendance des Etats Baltes était pratiquement détruite.
Mais c'est en juin 1940 que l'Union Soviétique mit complètement en
pièces cette indépendance, dès que l'armée allemande eut
écrasé l'armée française et pris Paris. L'armée
Soviétique occupa alors la totalité‚ des Etats Baltes, institua dans
ces pays des gouvernements constitués de personnes sûres et
dévouées à ses ordres et, avec l'aide d'un petit nombre de
communistes locaux bien connus, organisa la dictature rouge. Au début, les
chefs de l'Armée rouge installée dans les Etats Baltes promirent de
sauvegarder leur démocratie et leur indépendance, mais, deux mois plus
tard, en août 1940, ils instaurèrent dans ces pays une dictature communiste
et les englobèrent de force dans l'Union Soviétique.
Quelle lamentable comédie que l'élection des “Parlements” de Lettonie,
d'Estonie et de Lithuanie, organisée en juillet 1940! Ces élections
eurent lieu sans la moindre liberté politique et dans la terreur un seul parti
légal le parti communiste, et ses journaux seuls admis à paraître.
Les autorités d'occupation n'avaient autorisé pour l'élection au
Parlement qu'une seule liste de candidats - celle des communistes et de leurs
adhérents. Il est évident que la décision prise par un Parlement
élu dans ces conditions, de mettre fin à l'indépendance de l'Etat
letton et de rattacher celle-ci à l'Union Soviétique n'exprime en aucune
manière la volonté du peuple letton et ne le lie pas. Cette décision
était illégale également pour la raison que, d'après la
constitution démocratique de la République Lettonne que les autorités
d'occupation avaient déclaré reconnaître, elle aurait dû
être soumise au suffrage du peuple. Mais les communistes, redoutant une
décision négative, s'abstinrent d'organiser un référendum.
Ainsi eut lieu la Soviétisation de la Lettonie et son incorporation à
l'Union Soviétique. Elles furent organisées et imposées par les
autorités d'occupation. Internationalement elles ne lient donc en aucune
manière la Nation lettonne et n'ont aucune valeur juridique. Par cet acte
unilatéral de violence et d'annexion, l'Union Soviétique a rompu toute
une série d'importants traités internationaux : le traité de paix
russo-letton, le traité de non-agression, le traité sur la
définition de l'agresseur, le traité d'assistance mutuelle, le Pacte de
la S.D.N., le Pacte Briand~Kellogg, etc…
Cette annexion des Etats Baltes n'a été reconnu par aucun des grands
Etats alliés, et aux Etats-Unis d'Amérique, en Angleterre, ainsi que dans
différents autres pays les légations et les consulats de Lettonie et des
autres Etats Baltes n'ont pas cessé leurs fonctions officielles.
5. Collaboration de l'Union Soviétique et de l'Allemagne hitlérienne
contre l'indépendance des Etats baltes.
Cet acte de force de l'Union Soviétique rend claire pour tous la politique
russe nationaliste, impérialiste et militariste qui a commencé
après la démission de Litvinov du poste de ministre des Affaires
étrangères de l'Union Soviétique. Molotov, dans la conduite de
la politique étrangère de l'Union Soviétique, s'est
détourné de la politique de paix et de sécurité collective
de la S.D.N. pour se lancer dans une politique indépendante et nationaliste.
Pratiquement, celle-ci s'est traduite par la renonciation à la coopération
avec l'Angleterre et la France pour se tourner vers une collaboration politique avec
l'Allemagne de Hitler.
En été 1939, lors des entretiens de Moscou, auxquels prirent part les
représentants de l'Angleterre, de la France et de l'Union Soviétique, ces
derniers démasquèrent déjà leur politique nationaliste et
impérialiste en demandant à 1' Angleterre leur accord à une
occupation militaire des Etats Baltes. L'Angleterre et la France ayant repoussé
cette demande, le gouvernement soviétique conclut alors avec l'Allemagne
hitlérienne un traité de non-agression et d'amitié (23 août
1939) qui fut immédiatement suivi de l'attaque de la Pologne par l'Allemagne et
comme conséquence, de l'entrée en guerre contre l'Allemagne de l'Angleterre
et de la France. En application du traité précédemment cité,
l'Union Soviétique, dans cette lutte décisive entre la démocratie et
la dictature fasciste, garda vis-à-vis de l'Allemagne une neutralité
bienveillante, en compensation de laquelle elle reçut les Etats Baltes, la Pologne
orientale et la Bessarabie. Moscou et Berlin avaient pour cela conclu des accords
séparés secrets (23 août et 27 septembre 1939). Les Etats Baltes et la
Pologne tombèrent victimes de la collusion de l'Union Soviétique et de
l'Allemagne hitlérienne, à des fins de conquêtes impérialistes.
L'Allemagne hitlérienne est le seul grand Etat qui ait reconnu juridiquement
l'acte d'agression perpétré par 1'Union Soviétique contre les Etats
Baltes, ceci par le traité conclu le 10 janvier 1941 avec l'Union Soviétique
sur l'établissement de leur frontière commune, lequel reconnaît
l'incorporation de ces Etats à l'Union Soviétique. Mais l'écrasement
de l'Allemagne hitlérienne entraîne la disparition de cette unique reconnaissance
de l'acte de violence commis par l'Union Soviétique contre les Etats Baltes.
La victoire des démocraties anglaise, américaine et française sur
l'Allemagne nazie a mis fin à tous les actes d'injustice et de violence
internationale auxquels participa cette puissance. C'est pourquoi il faudrait aussi en
finir avec l'abus de force contre les Etats Baltes engendré par la collaboration
soviéto-hitlérienne.
6. Raisons pour lesquelles la reconnaissance de l'annexion des Etats Baltes n'est pas
compatible avec une garantie de paix durable.
L'Union Soviétique a essayé d'obtenir des Etats-Unis d'Amérique et
de l'Angleterre, de la France et d'autres Etats démocratiques la reconnaissance
de l'incorporation des Etats Baltes.
Nous avons la profonde conviction que les grands Etats démocratiques ne donneront
pas leur accord à cet acte de force. Ils ont combattu contre l'Allemagne nazie et
l'Italie fasciste afin de mettre en pratique les principes politiques formulés
dans la Charte de l'Atlantique et dans le Pacte des Nations Unies. La reconnaissance de
l'acte de vio1ience commis en commun par l'Union Soviétique et Hitler sur les Etats
Baltes serait le reniement des déclarations de cette Charte et des principes du
Pacte de l'O.N.U. sur le droit des peuples à la libre disposition d'eux-mêmes,
leur liberté, l'éga!ité des grands et des petits Etats, ainsi que
le respect des traités.
Quelle que soit l'importance des sacrifices consentis par les peuples de l'Union
Soviétique dans la lutte commune contre l'Allemagne, on ne peut songer, en toute
justice, à les dédommager par l'annexion de territoires étrangers ou
l'incorporation de peuples étrangers dans cette Union. Aussi grande que soit la
nécessité de maintenir la coopération entre les grands Etats
démocratiques occidentaux et la dictature soviétique, personne n'a le droit
de fonder celle-ci sur la violence et les injustices commises à l'encontre d'Etats
plus faibles. Nous sommes convaincus que les Etats démocratiques, dont la politique
étrangère est basée sur des principes de droiture et de justice, ne
permettront pas que cette collaboration soit établie sur la violence et la
violation des droits d'autres peuples.
Non seulement la restauration. des Etats Baltes découle des principes contenus
dans les déclarations réitérées des grands Etats occidentaux,
principes pour lesquels ils ont combattu, mais, de plus, cela est indispensable à
l'établissement d'une paix durable en Europe.
Si l'Union Soviétique sort de la deuxième guerre mondiale en vainqueur,
maître des Etats Baltes et ayant étendu son influence politique et
militaire sur une grande partie de l'Europe, cette guerre aura alors engendré
un impérialisme et un militarisme qui risquent de devenir non moins dangereux
pour le monde que ne l'était 1e " IIIème Reich " . En obtenant la
maîtrise de la mer Baltique et la domination militaire et politique dans une
moitié de l'Europe, l'Union Soviétique ne deviendra pas un facteur de
sécurité collective, mais ne cessera au contraire d'étendre sa
puissance militaire et de tendre à l'hégémonie en Europe et en
Asie.
L'incorporation des Etats baltes à l'Union Soviétique ne peut se
justifier par la nécessité d'assurer la sécurité militaire
de la Russie. Nous rjettons catégoriquement cette façon d'envisager la
question, car, en aucun cas, l'annexion d'un Etat étranger ne peut se justifier
par la nécessité d'assurer sa sécurité militaire. Une telle
existence va à l'encontre de tous les principes juridiques internationaux et
n'est pas compatible avec la souveraineté des autres Etats, elle n'est qu'un
prétexte grossier destiné à couvrir une agression.
En outre, dans les circonstances actuelles, où les armes aériennes
jouent un si grand rôle, l'établissement d'une frontière
stratégique ne peut garantir seule la sécurité territoriale d'un
Etat. A notre époque la paix et la sécurité ne peuvent être
garanties que par des mesures collectives, avec la participation de tous les Etats.
C'est pourquoi ce n'est pas par l'établissement d'une nouvelle frontière
stratégique sur la mer Baltique et la création de bases militaires dans
d'autres points d'Europe que l'Union Soviétique peut se protéger, mais
en assurant avec les autres grands Etats la garantie collective de la paix. Les
Etats-Unis d'Amérique, la Grande-Bretagne et la France sont prêts à
empêcher, avec l'aide de l'Union Soviétique, que puisse revivre d'aucune
manière le militarisme et l'impérialisme allemands. Cette garantie
collective donne à l'Union Soviétique une assurance de sécurité
future bien supérieure à une frontière stratégique sur la
mer Baltique procurée par l'annexion des Etats Baltes.
7. Importance politique des Etats Baltes et de la mer Baltique.
Cette nouvelle frontière stratégique, tout au contraire, pourrait bien,
dans les mains de l'Union Soviétique, devenir une base et une arme destinée
à menacer la sécurité d'autres Etats. En obtenant la possession des
Etats Baltes, l'Union Soviétique deviendrait omnipotente sur la mer Baltique. En
ayant même simplement la main haute sur les ports lettons de Liepaja (Libau) et de
Ventspils (Windau), dont les eaux ne gèlent jamais. L'Union Soviétique peut
faire passer sa flotte de guerre du golfe de Finlande, longtemps gelé, dans la
partie centrale de la Baltique libre de glaces. En contrôlant les îles
estoniennes et les ports lettons, la flotte soviétique peut avoir la
supériorité dans toute la mer Baltique. En développant sa flotte de
guerre, l'Empire soviétique peut, grâce à la mer Baltique, devenir
l'une des plus grandes puissances maritimes. Ceci pourrait considérablement renforcer
les tendances de l'Union Soviétique à l'hégémonie. En englobant
les Etats Baltes dans sa sphère militaire et en acquérant la domination sur
la mer Baltique, l'Empire Soviétique menace l'indépendance et la
sécurité de la Pologne et de la Finlande. Si l'armée et l'aviation
russes stationnent sur le territoire des Etats Baltes; si la flotte et l'aviation russes
règnent sur la mer Baltique, l'Etat polonais devient pratiquement le vassal de la
Russie et l'indépendance de la Finlande est rendue illusoire. Souvenons-nous
quelles conséquences politiques eut au XVlII siècle, lors de la Guerre du
Nord, la conquête par la Russie de l'espace baltique : celle-ci fut
inévitablement entraînée à attaquer la Pologne et la Finlande.
La maîtrise de la mer Baltique par l'Union Soviétique menace aussi, dans
une certaine mesure, la sécurité de la Suède et du Danemark. Cette
maîtrise soulève également un problème politique, en ce sens
qu'elle assure à la flotte de guerre russe un libre accès à la mer
du Nord par le Kattegat et le canal de Kiel.
De tout ce qui précède, on peut conclure que le problème balte a
joué‚ un rôle important dans la politique générale de l'Europe
et que le rétablissement de l'indépendance politique des Etats Baltes est
une condition sine qua non de la garantie de la paix mondiale et de la
sécurité collective.
8. Restauration de l'indépendance de la Lettonie et des autres Etats Baltes.
Le peuple letton, ainsi que les autres peuples baltes estonien et lithuanien - ont
été gravement touchés par la deuxième guerre mondiale et
n'ont cessé depuis de souffrir sous l'occupation Soviétique. Les actions
militaires leur avaient déjà causé de grands dommages, mais de
plus grands malheurs encore ont fondu sur eux avec la double occupation de leurs pays -
russe et allemande. Les autorités d'occupation de ces deux Etats dictatoriaux
gouvernèrent par la terreur et se montrèrent sans pitié pour les
Baltes.
Lors de la première occupation de la Lettonie par les Soviets, plus de mille
personnes furent fusillées et plusieurs dizaines de milliers arrêtées
et, sans jugement, sans instruction préalable, déportées en
Sibérie, parfois avec tous les membres de leur famille, femmes, enfants,
envoyés chacun dans un lieu différent. Les prisons regorgeaient
d'internés politiques et les tortures étaient appliquées sur une
grande échelle.
Il est à noter que parmi ces personnes se trouvaient un grand nombre d'hommes
politiques de tous les partis, notamment aussi des députés
social-démocrates et des chefs de groupes syndicalistes.
Durant l'occupation allemande, plusieurs milliers de Lettons furent fusillés et
un grand nombre déportés dans des camps de concentration en Allemagne,
où beaucoup moururent. Les méthodes bien connues de la Gestapo furent
aussi employées en Lettonie.
En dépit de la terreur qui régnait, un mouvement de résistance
letton fut organisé sous l'occupation allemande. A ce mouvement se joignirent
les représentants des principaux partis politiques qui existaient auparavant:
Union paysanne, démocrates, partis catholiques, social-démocrate, etc., et
des députés légalement élus (1931) de la dernière Saeima
(Parlement), ainsi que le président de cette Saeima qui, selon la Constitution de
la République Lettone, remplace le président de la République. Ce
mouvement se dressa aussi bien contre la première que contre la deuxième
occupation et revendiqua la restauration de l'indépendance de la Lettonie, tandis
que les ministres plénipotentiaires, nommés par la République
Lettonne indépendante et accrédités auprès de différents
pays étrangers, protestèrent de de leur côté contre les
occupations.
Le mouvement de résistance letton était nettement orienté vers la
victoire des grands Etats démocratiques Occidentaux; vers la liberté
politique et les principes démocratiques. Il traduisait ainsi les aspirations
de la Nation entière.
Aujourd'hui, c'est au nom du peuple letton que nous nous élevons contre la
politique arbitraire des autorités d'occupation soviétique en Lettonie
et dans les autres Etats Baltes et demandons que les troupes d'occupation
Soviétique soient retirées de ces Etats et que soit donnée aux
peuples baltes la possibilité de fonder des gouvernements de large coalition dont
le premier et le plus important devoir serait d'organiser sur des bases
démocratiques la libre élection d'un Parlement.
Les Etats Baltes, rétablis dans leur indépendance, travailleront en
étroite collaboration, sauvegardant la paix et les bonnes relations avec
les Etats voisins dans la famille des Nations, d'accord avec les autres Etats, ils
poursuivront la réalisation de la paix et de la sécurité
collective.
L'indépendance des Etats Baltes est issue de la première guerre mondiale,
à une époque où les principes de la démocratie et de la
liberté des peuples ont vaincu en Europe. A la deuxième guerre mondiale,
les grands Etats démocratiques ont inscrit les mêmes principes sur leur
étendard, sous la forme de la Charte de l'Atlantique et du Statut des Nations
Unies. Ce Statut de la nouvelle organisation. mondiale de paix des Nations Unies parle
du respect des traités internationaux et du droit de tous les peuples à
la liberté. La Charte de l'Atlantique et le Statut de l'O.N.U. deviendraient
de l'Atlantique et le Statut de l'ONU deviendraient lettre morte, si la conclusion
politique de la deuxième guerre mondiale ne trouve pas son application pratique
dans la renaissance des droits sacrés et imprescriptibles des peuples baltes
à la liberté et à l'indépendance.
Paris le 10 août 1946
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